Evolving fast and slow (in eLife)

C’est quoi ce truc, c’est pas des plantes ? Attendez, lisez jusqu’au bout : vous verrez pourquoi ça nous intéresse aussi !

Certaines caractéristiques (ou "phénotypes") des organismes évoluent plus vite que d’autres : pensons à la rapide évolution de la taille du cerveau dans la lignée humaine (ou la taille et la forme des fleurs dans certaines lignées de plantes !). Pourtant, on ne comprend pas bien les mécanismes qui déterminent la vitesse d’évolution des phénotypes, car beaucoup de facteurs interviennent : la sélection naturelle, le hasard, l’histoire des populations, les taux de mutations...

Les mutations de l’ADN sont un facteurs central car ce sont elles qui permettent la transmission héréditaire du changement de phénotype de génération en génération. Plus les mutations s’accumulent, plus il est possible que les phénotypes évoluent : taux de mutation et taux d’évolution phénotypiques sont liés. Mais lorsqu’un phénotype évolue vite, d’où viennent les mutations ? Toutes du même endroit du génome (un "hotspot" ou "point chaud" de mutation, région qui aurait une très forte tendance à muter) ? Ou de pleins de gènes différents, tous ces gènes ayant un impact sur le phénotype considéré ? Dans ce cas, ont dit que le phénotype a une vaste cible mutationnelle : plus elle est large, plus il existe de gène qui peuvent modifier le phénotype, plus le phénotype évoluera vite en additionnant toutes les mutations survenue dans les gènes de la cible pour dans un intervalle de temps donné (sans que le taux de mutation soit plus élevé).

C’est cette alternative que ces travaux ont essayé de tester : point chaud de mutation contre vaste cible mutationnelle. Dans le cas du phénotype considéré (une petite cellule du nématode, connue pour évoluer très vite), les résultats indique que c’est plutôt la deuxième hypothèse : une vaste cible mutationnelle.

Cette étude n’a pas été faite sur les plantes, mais sur des organismes modèle animaux, les nématodes du genre Caenorhabditis. Comme la plante modèle A. thaliana, ces organismes peuvent à la fois s’autoféconder ou se croiser : un "rêve" pour les généticiens qui peuvent facilement connaître et contrôler le contenu génétique (le génotype) des individus qu’ils observent et donc corréler avec plus d’assurance génotype et phénotype. Deuxième avantage : un cycle de vie court (3 mois pour A. thaliana et... 3 jours pour les nématodes !). Ceci permet de faire des expériences d’évolution expérimentale sur plusieurs générations. Ici, les chercheurs ont utilisée des "lignées d’accumulation de mutations", des lignées dans lesquelles on laisse les mutations s’accumuler (ici pendant 250 générations !) tout en minimisant la sélection naturelle (pour se débarrasser de ce facteur qui influe aussi sur la vitesse apparente d’évolution des phénotypes). De telles lignées existent aussi chez A. thaliana.

Ce résultat est de portée générale. Chez les plantes, on ne sait pas bien quel(s) mécanisme(s) favorise l’évolution rapide de phénotype. De plus, un des résultats inattendus de cette études est que les gènes trouvés pour être responsable de l’évolution du phénotype étudié n’était pas spécialement connu pour intervenir dans ce phénomène. Ceci montre que pour bien comprendre comment les mutations influencent l’évolution, il est crucial de bien comprendre comment les organismes se développent et comment l’effet de cette mutation influe sur le développement. Et ça tombe bien, c’est que nous faisons au laboratoire RDP !

Microscopy image showing the development of the six external reproductive cells in the round worm C. elegans. The cell at the top evolves faster than the other cells. Image credit : Michalis Barkoulas (CC BY 4.0)

Article original : https://elifesciences.org/articles/54928

Digest : https://elifesciences.org/digests/54928/evolving-fast-and-slow

Commentaire/perspective sur l’article : https://elifesciences.org/articles/62689

Voir en ligne : A broad mutational target explains a fast rate of phenotypic evolution