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COVID-19 : Des clés de la maladie dans le passé des gènes de primates et chauves-souris ?

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Publication du CIRI dans la revue PNAS le 10 août 2022. Communication du CNRS-INSB du 7 septembre 2022.

Les empreintes évolutives laissées dans les génomes par d’anciennes épidémies permettent d’identifier des gènes impliqués dans la réponse aux infections ou en interface directe avec les pathogènes. Est-ce que l’étude de ces traces du passé, appelée "paléovirologie", pourrait ainsi identifier des déterminants de l’épidémie actuelle de COVID-19 ? Dans cette étude, impliquant des membres du CIRI et publiée dans la revue PNAS, de telles empreintes ont été recherchées dans 334 protéines interagissant avec le SARS-CoV-2 sur des millions d’années d’évolution chez les primates et les chauves-souris (dont certaines sont "hôtes naturels"). Les résultats montrent des similitudes mais aussi des différences importantes entre ces hôtes et révèlent des gènes, et même des sites, qui seraient centraux dans la réplication virale ou la maladie.

L’étude des empreintes évolutives laissées sur les gènes des hôtes par d’anciennes épidémies virales est appelée la "paléovirologie indirecte". Elle permet de se tourner vers le passé et comparer les histoires évolutives de différents hôtes pour mieux comprendre les déterminants des épidémies actuelles. Qu’est-ce qui différencie les chauves-souris des primates face aux coronavirus ? Comment la paléovirologie permet-elle de révéler le rôle clé de certains gènes dans la maladie de COVID-19 ou la réplication du SARS-CoV-2 ?

Ces empreintes (signatures de sélection positive) ont été systématiquement recherchées dans 334 gènes codant pour des protéines interagissant avec le SARS-CoV-2, le coronavirus à l’origine de la pandémie de COVID-19. Cette analyse a été réalisée à la fois à l’échelle de l’histoire évolutive des primates et de celle des chauves-souris, dont certaines espèces sont les réservoirs naturels du virus. Pour cela, le programme bioinformatique DGINN (Detection of Genetic INNovation), permettant des analyses évolutives à grande échelle, a été utilisé.

Ces analyses ont permis d’identifier des gènes avec des trajectoires évolutives communes, ou au contraire distinctes, entre ces deux groupes de mammifères. L’étude montre que d’anciennes épidémies de coronavirus ont façonné l’évolution des gènes de mammifères. En particulier, et en accord avec les travaux d’autres équipes, le récepteur d’entrée au SARS-CoV-2 (ACE2) présente, chez les chauves-souris et les primates, ces empreintes typiques de « courses-aux-armement » avec des virus passés. Ainsi, ces marques témoignent d’interfaces communes majeures et de "conflits" entre les virus et leurs hôtes sur des millions d’années.

Cependant, les analyses comparatives ont identifié de nombreux cas où ces empreintes possibles d’épidémies ancestrales ne sont présentes que dans l’histoire des primates, ou dans celle des chauves-souris. Ces différences peuvent être interprétées au regard des différences de pathogénicité (maladie) et de susceptibilité (capacité d’être infecté par le virus) observées entre les espèces actuelles. Ainsi, 84 gènes présentent des histoires évolutives très différentes entre les chauves-souris et les primates.
Notamment, des résidus (sites de la protéine), nécessaires pour la régulation de la protéine RIPK1 inflammatoire chez l’homme et conservés chez les primates, ont évolué rapidement chez les chauves-souris, suggérant une régulation de l’inflammation différente par rapport aux humains, ce qui pourrait induire une réponse différente face aux infections.
Il a également été découvert des empreintes typiques d’épidémies passées chez les primates dans un autre facteur d’entrée, la protéase TMPRSS2, ou dans l’adaptateur d’autophagie FYCO1. Ces découvertes pointent vers des interfaces virus-hôte spécifiques et importantes in vivo, qui pourraient ouvrir des pistes de traitement.

Enfin, il a été identifié que des résidus de FYCO1 avec des traces typiques d’épidémies anciennes chez les primates sont les mêmes que ceux génétiquement associés à certains COVID-19 sévères chez l’homme. Ceci confirmerait l’importance de ce gène dans la pathogenèse ou la réplication des coronavirus.

Dans l’ensemble, cette étude identifie des adaptations dans des gènes impliqués dans l’infection par le SARS-CoV-2 chez les chauves-souris et les primates, éclairant ainsi des déterminants génétiques actuels de la susceptibilité au virus et de la gravité des symptômes.

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L’étude de l’histoire évolutive des gènes codant pour les interfaces moléculaires virus-hôtes chez les primates et les chauves-souris dévoilent les empreintes des épidémies virales passées sur des gènes qui pourraient être déterminant dans l’épidémie actuelle de COVID-19.

Figure : © Lucie Étienne et Marie Cariou

Référence : Distinct evolutionary trajectories of SARS-CoV-2-interacting proteins in bats and primates identify important host determinants of COVID-19. Cariou M, Picard L, Guéguen L, Jacquet S, Cimarelli A, Fregoso OI, Molaro A, Navratil V, Etienne L. . PNAS, 10 août 2022.
DOI : https://doi.org/10.1073/pnas.2206610119

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