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Actualité de l'ENS de Lyon

Le cœur adulte ne contient pas de cellules souches : une nouvelle base de réflexion

Image de cellules du coeur
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Marie Bannier, ancienne étudiante normalienne au département de Biologie à l'ENS de Lyon, a participé aux recherches et à la rédaction de cette publication scientifique dans le cadre de sa 4e année.

Lors d’un infarctus, l’approvisionnement en sang d’une partie du cœur est interrompue et une partie du muscle cardiaque meurt. Cela constitue évidemment une situation qui met des vies en danger. La plupart des tissus animaux et humains contient des cellules souches qui viennent à la rescousse : elles produisent rapidement un grand nombre de "cellules filles" pour remplacer les cellules mortes.

Pendant deux décennies, des chercheurs et des médecins ont recherché dans le cœur des cellules souches pouvant réparer le muscle cardiaque après un infarctus. Plusieurs équipes de recherche ont déclaré avoir identifié des cellules souches dans le cœur, mais aucune de ces déclarations n’a résisté à l’épreuve du temps. L’existence de cellules souches dans le cœur et leur importance pour le cœur adulte restent donc fortement débattues.

Pour mettre fin à ce débat, des chercheurs du Hubrecht Institute aux Pays-Bas, de l’Amsterdam University Medical Center, de l’École normale supérieure de Lyon et du Francis Crick Institute à Londres se sont concentrés sur la définition la plus large de la fonction d’une cellule souche, c’est-à-dire sa capacité à remplacer par division cellulaire du tissu mort. Dans le cœur, cela signifie que toute cellule capable de produire de nouvelles cellules de muscle cardiaque après un infarctus serait une cellule souche. Les auteurs ont donc généré un répertoire des cellules cardiaques qui se divisent, avant et après un infarctus, en utilisant des techniques moléculaires et génétiques avancées chez la souris.

L’étude montre que beaucoup de cellules se divisent après un infarctus, mais qu’aucune d’entre elles ne produit de muscle cardiaque. En réalité, on comprend maintenant pourquoi les chercheurs ont été induits en erreur. Les cellules précédemment nommées "cellules souches du cœur" produisent en fait des vaisseaux sanguins ou des cellules immunitaires, mais jamais de muscle cardiaque. Les chercheurs en sont donc arrivés à la conclusion qu’il n’y a pas de cellules souches dans le cœur. En d’autres mots, le muscle cardiaque perdu après un infarctus ne peut être remplacé. Cette découverte, bien que décevante, résout une controverse de longue date.

Les auteurs de l’étude ont fait une autre observation importante. Les cellules du tissu conjonctif (aussi appelées fibroblastes), qui sont associées aux cellules musculaires du cœur, répondent de manière intense à un infarctus en se divisant de nombreuses fois. Elles produisent ainsi une cicatrice qui remplace le tissu cardiaque perdu. Bien que ce tissu cicatriciel ne contienne pas de muscle et ne puisse contribuer à la fonction de pompe du cœur, cette cicatrice permet de combler le vide laissé par l’infarctus. En effet, chez les souris, lorsque la formation de cette cicatrice est bloquée, elles succombent à une rupture cardiaque. La formation d’un tissu cicatriciel est généralement perçue comme la conséquence néfaste d’un infarctus mais, à l’inverse, les auteurs soulignent son importance pour le maintien de l’intégrité du cœur.

Profiling proliferative cells and their progeny in damaged murine hearts. Kai Kretzschmar, Yorick Post, Marie Bannier-Hélaouët, Andrea Mattiotti, Jarno Drost, Onur Basak, Vivian S. W. Li, Maaike van den Born, Quinn D. Gunst, Danielle Versteeg, Lieneke Kooijman, Stefan van der Elst, Johan H. van Es, Eva van Rooij, Maurice J. B. van den Hoff, and Hans Clevers (2018). Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).

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