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Mission InSight : Mars se dévoile

Vue d’artiste de la structure interne de Mars (© IPGP/David Ducros)
Communiqué de presse / Publication
 

À partir d’une dizaine de séismes détectés sur Mars par le sismomètre très large bande SEIS, développé en France, l’équipe internationale de la mission InSight de la NASA dévoile la structure interne de Mars. Les trois études publiées le 23 juillet dans la revue Science, impliquant de nombreux co-auteurs d’institutions et laboratoires français, dont le CNRS, l’Institut de physique du globe de Paris, Université de Paris, et soutenues notamment par le CNES et l'ANR, révèlent, pour la première fois et grâce à l’analyse des ondes sismiques, réfléchies et modifiées par ces interfaces internes, une estimation de la taille du noyau, de l’épaisseur de la croûte et de la structure du manteau. Il s’agit de la première exploration par la sismologie de la structure interne d’une planète tellurique autre que la Terre et d’une étape importante pour comprendre la formation et l’évolution thermique de Mars.

 

Vue d’artiste de la structure interne de Mars (© IPGP/David Ducros)
Vue d’artiste de la structure interne de Mars (© IPGP/David Ducros)

Avant la mission InSight de la NASA, la structure interne de Mars était encore mal connue. Les modèles ne reposaient que sur des mesures recueillies par les satellites en orbites ou l’analyse des météorites martiennes retombées sur Terre. L’épaisseur de la croûte, avec les seules mesures de gravité et de topographie, était estimée entre 30 et 100 km. Les valeurs du moment d’inertie et de la densité de la planète suggéraient un noyau avec un rayon entre 1400 et 2000 km. Les détails de la structure interne de la planète et la profondeur des frontières entre croûte, manteau et noyau, étaient, eux, complètement inconnues.

Avec le succès du déploiement de l’expérience SEIS à la surface de Mars début 2019, les scientifiques de la mission, dont les 18 co-auteurs français impliqués et affiliés à de nombreuses institutions et laboratoires français, et leurs collègues de l’ETH de Zurich, de l’Université de Cologne et du Jet Propulsion Laboratory de Pasadena, ont collecté et analysé les données sismiques d’une année martienne (soit presque deux ans terrestres).

Il faut souligner que pour déterminer tout à la fois un modèle de structure, le temps (d’arrivée) du séisme et sa distance, il faut habituellement disposer de plus d’une station. Or, sur Mars une seule station est à disposition des scientifiques, InSight. Il a donc fallu rechercher, identifier et valider dans les enregistrements sismiques, la signature d’ondes ayant interagi différemment avec les structures internes de Mars. Ces nouvelles mesures, couplées avec des modélisations minéralogiques et thermiques de la structure interne, ont permis de s’affranchir de la contrainte de station unique. Une méthode qui ouvre une nouvelle ère pour la sismologie planétaire.

Une seule station, de multiples résultats

Une autre difficulté martienne est sa faible sismicité et le bruit sismique généré par son atmosphère : sur Terre, les séismes sont bien plus forts et les sismomètres mieux installés, dans des caves ou sous terre, ce qui permet d’obtenir une image précise de l’intérieur de la planète. Il fallait donc porter une attention particulière aux données. « Mais même si les séismes martiens ont une magnitude relativement faible et inférieure à 3,5, la très grande sensibilité du capteur VBB et le bruit très faible en début de nuit nous ont permis d’aboutir aux découvertes que nous ne pensions possibles, il y a deux ans, qu’avec des séismes de magnitude plus grande que 4 » précise Philippe Lognonné, professeur à Université de Paris et responsable scientifique de l’instrument SEIS à l’IPGP.

Les données, traitées et transmises par le CNES, l’IPGP et le CNRS, aux scientifiques, ont donc été quotidiennement et soigneusement nettoyées du bruit ambiant (vent et déformation liée aux changements rapides de température,). L’équipe international du Mars Quake Service (MQS) a quotidiennement répertorié les évènements sismiques : plus de 600 ont été catalogués dont plus de 60 correspondent à des séismes relativement lointains.

Parmi ces derniers, une dizaine comportent des informations sur la structure profonde : « Les ondes sismiques directes d’un séisme sont un peu le son de notre voix en montagne, qui génère des échos. Et ce sont les échos de ces ondes, provenant d’une réflexion sur le noyau ou à l’interface croute-manteau ou même à la surface de Mars que nous avons recherchés dans les signaux grâce à leur similarité par rapport aux ondes directes » explique Philippe Lognonné.

Une croûte altérée, un manteau dévoilé et un grand noyau liquide

En comparant les comportements des ondes sismiques, lors de la traversée de la croûte avant d’atteindre la station Insight, plusieurs discontinuités dans la croûte ont été identifiées : une première, observée à environ 10 km de profondeur, marque la séparation entre une structure très altérée, résultant d’une très ancienne circulation de fluide et une croûte peu altérée. Une seconde discontinuité vers 20 km puis une troisième, moins marquée vers 35 km, révèlent la stratification de la croute sous InSight : « Nous avons utilisé toutes les méthodes d’analyse récentes, tant sur les séismes d’origine tectonique que sur les vibrations d’origine environnementale (le bruit sismique) pour identifier ces discontinuités » précise Benoit Tauzin, maître de conférence à l’Université de Lyon et chercheur au LGL-TPE.

Dans le manteau, ce sont les différences entre le temps de parcours des ondes générées directement lors du séisme, et celui des ondes générées lors de la réflexion de ces ondes directes sur la surface qui ont été analysées. Ces différences permettent avec une seule station, de déterminer la structure du manteau supérieur, et notamment la variation des vitesses sismiques avec la profondeur. Or, ces variations de vitesses sont liées à la température. « Ceci nous permet d’estimer le flux de chaleur de Mars qui serait ainsi de trois à cinq fois plus faible que celui de la Terre, et d’émettre des contraintes sur la composition de la croûte martienne qui concentrerait plus de la moitié des éléments radioactifs producteurs de chaleur présents dans la planète », ajoute Henri Samuel, chargé de recherche CNRS à l’IPGP.

Enfin, dans la troisième étude, les scientifiques ont recherché les ondes réfléchies par la surface du noyau martien, dont la mesure du rayon est un des principaux résultats de la mission InSight. « Pour cela », explique Mélanie Drilleau, ingénieur de recherche à l’ISAE-SUPAERO, « nous avons testé plusieurs milliers de modèles de manteau et de noyau par rapport aux phases et signaux observés ». Malgré les faibles amplitudes des signaux associés aux ondes réfléchies (appelées ScS), un excès d'énergie est observé pour les noyaux avec un rayon entre 1790 km et 1870 km. Une telle taille implique la présence d’éléments légers dans le noyau liquide et a des conséquences majeures sur la minéralogie du manteau à l’interface manteau/noyau.

Objectifs atteints, et de nouvelles questions émergent

Après plus de deux ans de surveillance sismique martienne, le premier modèle de la structure interne de Mars est obtenu, et ce jusqu’au noyau. Mars rejoint ainsi la Terre et la Lune dans le club des planètes et satellites telluriques dont la structure profonde est explorée par la sismologie. Et comme souvent en exploration planétaire, ce sont de nouvelles questions qui sont soulevées : l’altération de la croûte sur les 10 premiers kilomètres est-elle générale ou limitée à la zone d’atterrissage d’InSight ? Quel sera l’impact de ces premiers modèles sur les théories de formation et d’évolution thermique de Mars, en particulier pour les premiers 500 millions d’années où Mars avait de l’eau liquide à sa surface et un fort volcanisme ?

Avec la prolongation de deux ans de la mission InSight et la puissance électrique supplémentaire obtenue suite au nettoyage de ses panneaux réalisé par le JPL, des nouvelles données consolideront et amélioreront encore ces modèles.

À propos d’InSight et de SEIS 

Le JPL gère la mission InSight pour le compte de la Direction des missions scientifiques de la NASA. InSight fait partie du programme Discovery de la NASA, géré par le Marshall Space Flight Center (MSFC), établissement de la NASA à Huntsville, Alabama. Lockheed Martin Space à Denver a construit la sonde InSight, y compris son étage de croisière et son atterrisseur, et soutient l'exploitation de l'engin spatial pour la mission. Le CNES est le maître d’œuvre de SEIS et l’Institut de physique du globe de Paris (Université de Paris/IPGP/CNRS) en assure la responsabilité scientifique. Le CNES finance les contributions françaises, coordonne le consortium international (*) et a été responsable de l’intégration, des tests et de la fourniture de l’instrument complet à la NASA. L’IPGP a conçu les capteurs VBB (Very Broad Band pour très large bande passante), les a testés avant leur livraison au CNES et contribue à l’opération des VBBs sur Mars.

Les opérations de SEIS et d’APSS sont menées par le CNES au sein du FOCSE-SISMOC, avec le soutien du Centro de Astrobiologia (Espagne). Les données de SEIS sont formatées et distribuées par le Mars SEIS Data Service de l’IPG Paris, dans le cadre du Service National d’Observation InSight auquel contribue également le LPG et, pour les activités Sismo à l’Ecole, GéoAzur. L’identification quotidienne des séismes est assurée par le Mars Quake Service d’InSight, un service opérationnel collaboratif mené par ETH Zurich auquel contribuent également des sismologues de l’IPG Paris, l’Université de Bristol (UK) et Imperial College London (UK).

 

Plusieurs autres laboratoires du CNRS dont le LMD (CNRS/ENS Paris/Ecole polytechnique/Sorbonne Université), le LPG (CNRS/Université de Nantes/Université d’Angers), l’IRAP (CNRS/Université de Toulouse/CNES), le LGL-TPE (CNRS/Ecole normale supérieure de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1), l’IMPMC (Sorbonne Université/Museum national d’Histoire naturelle/CNRS) et LAGRANGE (CNRS/Université Côte d’Azur/Observatoire de la Côte d’Azur) participent avec l’IPGP et l’ISAE-SUPAERO aux analyses des données de la mission InSight. Ces analyses sont soutenues par le CNES et l’Agence nationale de la recherche dans le cadre du projet ANR MArs Geophysical InSight (MAGIS).

(*) en collaboration avec SODERN pour la réalisation des VBB, le JPL, l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETH, Zürich Suisse), l’Institut Max Planck de Recherche du Système solaire (MPS, Göttingen, Allemagne), l’Imperial College de Londres et l’université d’Oxford ont fourni les sous-systèmes de SEIS et participent à l’exploitation scientifique de SEIS.

Bibliographie

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