Une page du carnet de Darwin de 1837 montre l’élaboration de sa théorie de l’évolution par un dessin reprenant les motifs de croissance des coraux. À partir d’un axe principal émerge des branches secondaires qui partent dans les quatre directions. Au dessus est écrit « je pense / je crois [I think] ». Pourquoi et comment le « corail du vivant » est devenu « l’arbre du vivant » dans la théorie de l’évolution ne sont pas des questions auxquelles nous répondrons, en revanche ce phénomène d’évolution médiatique nous ouvrira à un ensemble de questions traitant de la matérialité des processus créatifs, de l’interaction dynamique entre les techniques et le vivant, des formes que prennent les ontologies, des politiques de la lumière, de la production de différences qui font une différence entre soi et l’altérité. Autrement dit, nous explorerons le champ de l’écomedia.

Issue des travaux sur la théorie de la communication de Marshall McLuhan, Walter Ong et Neil Postman, qui fondèrent la discipline de l’écologie des média (Media Ecology), l’écomédia se propose d’analyser les zones d’intersections entre l’écologie médiatique, l’écologie sociale, et l’écologie environnementale. Une telle méthode ne s’occupe pas de la thématique environnementale dans les media de façon isolée, il s’agit toujours de resituer les media au sein d’une écologie plus vaste qui implique et engage non seulement des humain·e·s, mais aussi tou·te·s les non-humain·e·s qui partagent cette planète, et nous implique dans des histoires auparavant négligées par les théories médiatiques. Nous aborderons la notion de medium moins comme un support de diffusion et d’interprétation que comme un « dispositif physique de médiation » : ce dispositif produit de la subjectivation et de l’objectivation au sein d’une écologie de transformations environnementales, sociales et mentales interdépendantes. Nous nous demanderons notamment si le cinéma est plutôt un hyper-objet (Morton) ou un hyper-sujet (Viveiros de Castro), et quelle serait une théorie écomédiatique spécifiquement de cinéma. Le cinéma est-il un dispositif de représentation ou de co-production du monde et à quels processus évolutifs peut-on intégrer le cinéma ? On pourra ainsi envisager de redéfinir le « cinéma » à partir d’une perspective élargie au-delà de l’humain·e.

Ce cours prendra la forme d’un séminaire de recherche. Un certain nombre de documents (chapitres d’ouvrages, articles, mais aussi photographies et films) vous seront communiqués en début de semestre afin que vous participiez activement à la construction du cours et de son objet.