L’ensemble des travaux que je propose en vue de l’obtention de l’Habilitation à Diriger des Recherches, s’intitule Politique et logique des sentiments sociaux, titre donné au mémoire de synthèse (150 p.) Il comporte un ouvrage inédit, L'amitié des citoyens, structure affective et pacte social, et un dossier de publications, qui s’ajoutent à trois ouvrages personnels.
Le mémoire de synthèse présente mon parcours de recherche en trois temps : d’abord, il montre en quel sens mon travail trouve son foyer dans les travaux menés sur la philosophie de Rousseau. Partie d’un sentiment social, le patriotisme, j’en suis arrivée à rechercher une logique d’ensemble des sentiments sociaux. C’est ce à quoi m’ont menée les deux voies à travers lesquelles j’ai élargi mon champ de recherche, la guerre tout d’abord, abordée en tant qu’objet de droit susceptible d’être borné par un droit de la guerre, mais aussi comme espace d’expression et de libération de passions combatives; ensuite l’analyse de la socialité humaine, les critiques de la sociabilité naturelle et l’évolution de l’amitié, individuelle et civique, une thématique générale qui m’a servi de principe de lecture des auteurs depuis l’âge classique jusqu’à la philosophie sociale et politique contemporaine. Enfin, il présente mes perspectives actuelles de recherche, notamment dans le domaine des contractualismes contemporains. Le dossier de publications comporte une sélection de 21 articles (374 p.) relatifs aux trois étapes de cet itinéraire intellectuel.
L’ouvrage inédit, L'amitié des citoyens, Structure affective et pacte social (410 p.), porte sur le tournant contractualiste dans l’histoire de l’amitié et aborde la tradition politico-juridique du contrat à partir de ce qui en constitue au premier abord un aspect marginal : l’anthropologie, plus riche qu’on ne le croit souvent, comprenant une théorie de l’affectivité et des passions. L’analyse des œuvres de Hobbes, de Pufendorf et Spinoza, de Rousseau et de Rawls, fait apparaître les résurgences, critiques ou positives, de la philia civique, référée à la philosophie antique (Platon et Aristote principalement). Elle jette les bases d’une psychologie des affects articulant rationalité politique et théorie des passions sociales, et conduit à examiner les variations historiques de la philia, sous les termes de la fraternité et de la solidarité. L’ouvrage en appelle pour ce faire aussi à des auteurs ayant critiqué le contrat social, tel Durkheim, pour qui la société, distincte de ses éléments individuels, est une « synthèse » d’individus. Mais Durkheim « repense » le contrat comme institution sociale et en fait la forme moderne du lien social. La réflexion sur l’amitié des citoyens, est prolongée jusqu’à la philosophie politique contemporaine, chez Rawls, Walzer et Sandel. Il ressort de l’ensemble de ces analyses des conceptions alternatives et du lien social comme objet d’un accord et d’une construction artificielle, et du citoyen comme sujet juridique abstrait et agent rationnel.
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