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Actualité de l'ENS de Lyon

Être féministe, c'est aussi voir l'invisible…

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Christine Detrez, sociologue

8 mars : Journée des droits des femmes

Derrière Christine Detrez, qui se revendique féministe, deux portraits de femme : Frida Kahlo, peintre mexicaine et Nathalie Wood, actrice américaine. Photo DR
Ce 8 mars 2016, Christine Detrez, MCF à l'ENS de Lyon, spécialiste du genre, est très demandée : d'abord pour une table-ronde à Lyon sur le thème Féminisme et Séduction, puis sur RFI à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Il y a un an, elle publiait Quel genre ?, petit essai qui invite à décrypter les expressions toutes faites dont nous n'avons même plus conscience, mais qui assignent leur place aux garçons et aux filles. Son dernier livre est sorti la semaine dernière : Les femmes peuvent-elles être de grands hommes ?. Le 14 mars Christine Detrez sera à Paris au Grand Palais pour un débat sur le thème : Ni masculin, ni féminin. Êtes-vous du genre neutre ?
Les éditions Belin vous ont commandé un livre court sur le genre, en vous demandant de vous aligner sur le style percutant de la collection "d'égale à égal". C'est devenu Les femmes peuvent-elles être de grands hommes ? avec des anecdotes, des chiffres, des citations qui font réfléchir...

Christine Detrez :
C'était un vrai exercice d'écriture. Je suis une adepte de la gaie science, comme la nomme la philosophe Michèle Le Doeuff. En recherche, on peut être très rigoureux et ne pas se prendre au sérieux. L'humour est le meilleur moyen de faire passer des messages. Auprès de tous : amis, famille, collègues, chercheurs, enfants, adolescents.  Aller dans les collèges et les lycées pour parler du genre, c'est dans la continuité de nos missions de chercheur. Je considère que c'est de la valorisation de la recherche. C’est aussi une des missions de l’ENS : diffuser des connaissances. Savez-vous par exemple que sur les 13 192 noms de femmes et hommes recensés dans les manuels de classes, seuls 6,1 % sont des femmes ? Que J.K. Rowling a choisi de ne faire figurer que les initiales de son prénom pour cacher qu'elle était une femme ? Et l'effet Matilda, vous connaissez ,

En septembre 2014, le Président de l’école vous a nommée chargée de mission auprès du VP Recherche. La précédente gouvernance vous avait déjà nommée référente égalité femmes-hommes, avec Sophie Fermigier. Vous trouvez qu’on avance ?
CD : Oui, les choses bougent. Doucement mais sûrement. Inexorablement. Regardez tout ce qui s’est passé ces derniers temps à l'ENS de Lyon. Nous sommes au-delà de l'effet d'affichage. Le premier congrès des études de genre, organisé par le GIS Genre, dont l'ENS de Lyon est membre fondateur, a eu lieu ici en septembre 2014. Le labo junior Genere a organisé de nombreux événements marquants, qui ont permis de développer une réflexion poussée et exigeante. Les étudiantes ont monté l’association « Salopettes », prenant la suite des "Simones". Vous n’avez pas vu les affiches qu’elles ont apposées partout, jusque dans les toilettes, pour lancer un appel aux universitaires ? Prenez- le temps de les lire. Je soutiens leur initiative. Il y a aussi les Expertes. Et là, les femmes chercheuses de Monod sont en retard par rapport à celle de Descartes.
Je vais vous raconter une anecdote personnelle. En tant que sociologue, j'ai toujours beaucoup parlé du genre à mes étudiant(e)s. Mais en gardant mes distances en quelque sorte. Et je me souviens parfaitement qu'après un cours sur les stéréotypes, une étudiante est venue me voir et m'a posé la question : « Pourquoi avez-vous dit : je ne suis pas féministe, mais... ». Et là, j'ai réalisé qu'il fallait agir autrement. C'était il y a huit ou neuf ans ; cette étudiante, Marlène Benquet, est depuis chargée de recherche au CNRS, elle fait son chemin dans la recherche sur le genre. À chaque fois qu’on me pose la question « êtes-vous féministe ? » et que je réponds « oui », je pense à elle. Etre féministe c’est aussi voir l'invisible, le fameux plafond de verre. Quand tu es féministe, tu es toujours en train de te poser des questions.
Dans tous les projets mis en oeuvre par l'École, la question du genre et de l'égalité est prise en compte : c'est par exemple un des axes transversaux du futur LLE, (Laboratoire de L'Éducation). Parce que oui, l'éducation, c'est la clé.
Quelles sont les femmes qui vous ont marquée ?
CD : Il n'y en a pas qu'une ! La dernière en date c'est la philosophe Michèle Le Doeuff (et en plus c'est une alumni !), et je conseille la lecture de ses deux ouvrages, L'étude et le rouet, et Le sexe du savoir : ils sont toujours d'une terrible actualité. C'est une lecture qui donne de l'énergie. Et dans mon enfance, un personnage de roman m'a marquée, influencée même : Jo, dans Les quatre filles du Dr March.
De quoi rêve une sociologue spécialiste du genre ?
CD : (sans hésiter et avec un grand sourire) De ne plus avoir rien à dire !

Pourquoi le 8 mars


Le CNRS publie dans la dernière édition de son Journal, la véritable histoire de la première journée de la femme. L'article reprend les travaux de l'historienne Françoise Picq qui a démasqué le "mythe" du 8 mars dès les années 1980. Voir la vidéo

Les initiatives "Genre"


Liste, ni exhaustive ni chronologique, des actions et initiatives "Genre" avec ou à l'ENS de Lyon
Le chantier transversal Genre et Politique du laboratoire Triangle : il existe depuis 2009 et organise chaque année des séminaires ouverts au public bien au-delà de la communauté scientifique de Triangle.
Le labo junior GenERe (Genre : Epistémologie et Recherches) a pour but de favoriser les échanges et la diffusion de savoirs liés au genre au sein de notre école et au-delà. Il organise régulièrement des journées d'études et réunions.
Septembre 2014 : premier congrès du genre en France. Organisé à Lyon, et à l’ENS de Lyon, par le GIS Genre. Commentaire de Christine Detrez : Je salue au passage mes collègues Pascale Barthélémy et Claude Gautier qui ont porté le projet ; ça m’a permis d’assister aux conférences, de dialoguer avec d’autres chercheur(e)s.
Janvier 2016, un espace dédié aux questions d'égalité femmes/hommes a été mis en place sur l'intranet de l'École. Il est animé par Sophie Fermigier et Christine Detrez, nommées référentes sur le sujet.
Le mois dernier, lors d’une réunion administrative, le VP Recherche a présenté deux illustrations sans commentaires sur le genre des directeurs/trices de labo. On trouve plus de femmes à la tête des labos de recherche sur le site Monod (sciences exactes) que sur le site Descartes (sciences humaines).
Les étudiantes ont monté l’association Salopettes, prenant la suite des Simones. Commentaire de Christine Detrez : "Vous n’avez pas vu les affiches qu’elles ont apposées partout, jusque dans les toilettes, pour donner des conseils aux universitaires ? (inspiré du blog Tenure, she wrote). Prenez- le temps de les lire. Je soutiens leur initiative".
L'appel à projets du LLE (Laboratoire de L'Éducation) est en ligne sur le site du labo Triangle (en attendant la mise en ligne du site du LLE). Commentaire de Christine Detrez : "N'oubliez pas : la clé, c'est l'éducation"
Et bien sûr Les Expertes. Partant du constat que seulement 20 % des expert(e)s invité(e)s dans les médias sont des femmes, deux journalistes ont créé en 2012 le premier Guide des expertes version papier. Aujourd'hui c'est en ligne. Objectif : participer à la visibilité des femmes dans l’espace public et les médias. Plus de 1650 expertes sont rencensées sur 300 thématiques et 2900 mots clés. À l'heure où nous mettons sous presse, seules 5 chercheuses de l'ENS de Lyon sont inscrites. Toutes en SHS. Commentaire de Christine Detrez : "Allez les filles de Monod, on compte sur vous pour vous inscrire !".

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