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Actualité de l'ENS de Lyon

Comment des troupeaux synthétiques gardent leur cap au travers du désordre

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Publication du laboratoire de physique

Rouleur colloïdal d’une taille d’environ 10 micromètres, devant un obstacle. © Laboratoire de physique de l’ENS de Lyon
La question du déplacement de troupeaux dans un environnement désordonné se pose non seulement pour les animaux, mais aussi pour des matériaux auto-assemblés à partir d’unités synthétiques motiles. Des physiciens ont montré comment ces liquides actifs forment spontanément un réseau de rivières éparses afin de maintenir leurs écoulements au travers des réseaux d’obstacles. Il y a plus de vingt ans, des physiciens théoriciens ont proposé de décrire l’organisation en troupeau de créatures vivantes comme on explique l’aimantation spontanée des matériaux magnétiques. Ces cinq dernières années, plusieurs groupes d’expérimentateurs ont suivi un chemin opposé pour créer de nouveaux matériaux dits actifs. A partir d’unités motiles synthétiques qui s’organisent collectivement en de véritables troupeaux, ils ont réalisé des fluides capables de s’écouler spontanément. En interagissant, ces particules motiles s’auto-organisent pour toutes se déplacer dans une même direction.
Si l’émergence de tels mouvements collectifs est maintenant comprise en milieu homogène, leur robustesse face au désordre reste une question ouverte à laquelle des physiciens du Laboratoire de Physique de l’ENS de Lyon (CNRS/ENS de Lyon/Univ. Lyon 1) ont répondu pour la première fois. Ils ont caractérisé et expliqué l’impact du désordre sur le transport de ces liquides actifs, montrant ainsi comment ceux-ci forment spontanément un véritable réseau de rivières éparses afin de maintenir leurs écoulements malgré les obstacles. Toutefois, au delà d’une densité d’obstacles précise, toute forme de mouvement collectif disparait. Cette transition brutale s’apparente à une transition de phase entre liquide-gaz. Contrairement aux liquides, les particules se déplacent dans un gaz actif sans coordination le long de directions aléatoires, empêchant ainsi toute forme d’écoulement spontané. Ce seuil limite s’apparente à une transition de phase se produisant à l’évaporation d’un liquide standard. Ces travaux ont été publiés dans la revue Nature Physics.
Pour réaliser ces liquides synthétiques, les chercheurs ont fabriqué des dizaines de milliers de robots colloïdaux de quelques microns de diamètre qui, immergés dans des huiles, s’avèrent capables de se déplacer spontanément. Les interactions entre ces particules autopropulsées favorisent l’alignement spontané de leur vitesse, le long d’une unique direction moyenne. Les particules ou « rouleur » ont alors une dynamique très proche de celle observées pour des oiseaux dans une nuée, ou des poissons dans un banc. En manipulant ce système unique dans des canaux microfluidiques, ils en ont étudié le mouvement collectif dans des environnements hétérogènes modèles : des réseaux d’obstacles photolithographiés dont le nombre, la forme et la position sont parfaitement contrôlés. A l’approche d’un obstacle, chaque « rouleur » réoriente sa vitesse sans ralentir pour s’en éloigner. L’enjeu était de comprendre et de quantifier la confrontation entre les différentes interactions antagonistes ; à savoir l’alignement entre rouleurs, qui permet l’écoulement spontané du liquide d’une part, et les collisions avec les obstacles incompatibles avec ce mouvement collectif unidirectionnel d’autre part. Cette compréhension des mécanismes qui régissent les mouvements collectifs dans un environnement désordonné est une avancée importante dans la compréhension des phénomènes de transport en physique de la matière active.
En savoir plus sur le site de l'institut de Physique du CNRS

Références : Distortion and destruction of colloidal flocks in disordered environments,  A. Morin, N. Desreumaux, J.B. Caussin et D. Bartolo,  Nature Physics (2016), doi:10.1038/nphys3903
Contact chercheur : Denis Bartolo, Laboratoire de physique de l’ENS de Lyon

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