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Actualité de l'ENS de Lyon

L'acide rétinoïque : l'évolution entre les dents !

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Publication IGFL dans Proceedings of the Royal Society of London

Les poissons-zèbres sont un modèle de choix pour l'étude de la denture des cyprinidés. Photo Vincent Moncorgé©
La diversité des organismes vivant est infinie et pourtant nous ne savons pas grand chose des mécanismes moléculaires pouvant être à l’origine de cette immense diversité. La denture des cypriniformes est extrêmement diversifiée et c'est un modèle de choix pour chercher à comprendre les changements moléculaires à l’origine d’une telle diversité. Les travaux de l'IGFL récemment publiés par "Proceedings of the Royal Society of London (série Biology)"  montrent que les poissons zèbres mutants pour le gène cyp26b1 (codant pour une enzyme du métabolisme de l’acide rétinoïque) possèdent une dent supplémentaire dans leur pharynx. De manière très intéressante, cette denture surnuméraire ressemble beaucoup à celle observée dans la nature chez d’autres espèces de cypriniformes. Ainsi, il est possible qu’une modulation de la voie de l’acide rétinoïque soit à l’origine de la diversité de denture observée chez les cypriniformes.
L’équipe de Vincent Laudet à l'IGFL (ENS de Lyon, CNRS, UCB Lyon 1) s’intéresse particulièrement aux dents de poissons et en particulier aux dents présentes dans le pharynx des espèces de cypriniformes (un vaste groupe de poissons qui contient des espèces populaires comme le poisson rouge, la carpe ou le poisson-zèbre). En collaboration avec l'équipe de Laurent Viriot les chercheurs ont détaillé en 2010 l’incroyable diversité de dentitions qu’il existe chez les cypriniformes : dents longues et allongées ou dents molariformes, incurvés ou pointues, ou encore différences du nombre de dents… Ainsi, les dents de poissons représentent une belle opportunité d’étudier les mécanismes moléculaires à l’origine d’une telle diversité!
Les chercheurs ont montré que la voie de l’acide rétinoïque ou AR (une molécule naturelle dérivée de la vitamine A présente dans les œufs ou encore du beta-carotène des carottes) est impliquée dans la grande diversité de dentitions recensée chez les cypriniformes. Tout d'abord, nous avons montré que la molécule d’AR était strictement nécessaire pour le développement des dents chez le poisson-zèbre. De plus, nos travaux suggèrent que la quantité d’AR disponible au niveau du pharynx est régulée par l’action coordonnée des enzymes qui synthétisent (enzymes RALDH) et dégradent (enzymes CYP26) l’AR. En d’autres termes, pour que la molécule d’AR joue son rôle, il faut qu’elle soit synthétisée au bon moment et au bon endroit par les enzymes RALDH puis dégradée par les enzymes CYP26 lorsqu’elle n’est plus nécessaire de façon à ce que la quantité produite soit très précise. Ainsi, un poisson mutant dans l’un des gènes des enzymes CYP26 (en particulier celle qui agit dans le pharynx : CYP26B1) conduira à une mauvaise gestion de la dégradation de l’AR et ainsi a un excès d’AR endogène dans le pharynx.
image-publi-e-samarut-dents-web_1426003085318-jpgLa denture des poisson-zèbre sauvages adultes comporte 5 dents sur la rangée ventrale au niveau du dernier arc branchial. Celle des poissons mutants cyp26b1 en compte une en plus (en rouge) et cette denture ressemble à celle d'autres cyprinidés. Images acquises par microtomographie aux rayons X.
En observant la dentition des poissons zèbres mutants pour le gène cyp26b1+/-, nous avons observé la présence d’une dent supplémentaire au niveau du pharynx. Ainsi un excès d’AR au niveau du pharynx semble aboutir à l’apparition d’une dent surnuméraire et nous avons confirmé ces résultats chez un autre cypriniforme, le poisson-rouge. En étudiant l’évolution du nombre de dent chez les cypriniformes, nous avons remarqué qu’à quatre occasions indépendantes au cours de l’évolution, une dent supplémentaire était apparue dans la dentition de certaines espèces comme c’est le cas par exemple chez le gardon commun de nos étangs ! Cette observation suggère que la molécule d’AR (et plus précisément qu’une modulation subtile de la présence des enzymes régulant sa dégradation) est à l’origine d’une telle diversité de dentition.
Ces résultats sont les premiers qui mettent en lumière un mutant de poisson-zèbre arborant une dentition qui ressemble à celle d'espèces présentes dans la nature. De plus, nos données permettent de corréler ces différences à la quantité d’AR présente. Ceci permet de positionner cette molécule importante au cœur des mécanismes qui contrôlent les changements morphologiques au cours de l’évolution. Enfin, de manière intéressante, de récents travaux publiés conduits à l’ENS de Lyon, en collaboration avec l'IGFL montrent que, comme pour les pinsons de Darwin, il existe une corrélation entre le régime alimentaire et la forme des dents chez les cypriniformes.
L'article a été repris sur le site de l'Institut des sciences biologiques du CNRS (INSB)
Références : Altered retinoic acid signalling underpins dentition evolution - Yann Gibert , Eric Samarut , Emmanuel Pasco-Viel , Laure Bernard , Véronique Borday-Birraux , Alexa Sadier , Catherine Labbé , Laurent Viriot , Vincent Laudet - DOI: 10.1098/rspb.2014.2764 Published 4 February 2015

Encore une histoire d'évolution


Il suffit d’observer quelques espèces animales pour avoir très rapidement une idée de l’incroyable diversité du monde vivant. Différences de forme, différences de couleur, différences de taille…
Même entre différentes espèces très proches, certaines structures anatomiques se sont diversifiées au cours de l’évolution. L’exemple le plus connu est sans nul doute celui des pinsons des Galápagos décrits par Darwin. Parmi ces 14 espèces, tous possèdent des becs de forme et de taille variées et leur forme a évolué de pair avec leurs habitudes alimentaires. Ainsi, il est aisé de comprendre qu’un gros bec sera très utile pour casser des graines coriaces alors qu’un bec fin et allongé est plus adapté à la capture de petits insectes.
Dans le cas précis des pinsons de Darwin, les mécanismes moléculaires qui, au cours du développement de l’embryon forment un bec de morphologie différente, sont bien compris mais il est intéressant d’ajouter à la liste d’autres molécules susceptibles d’avoir sculpté des différences morphologiques au cours de l’évolution…

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