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Zoom sur le LéA PILCO : Pratiques interlangues au Lycée en Compréhension de l'Oral

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A l'occasion de la 5e Rencontre nationale des LéA

A l'occasion de la 5e rencontre nationale des LéA qui se déroulera le 13 mai , zoom sur le LéA PILCO (Pratiques interlangues au Lycée en Compréhension de l'Oral ) des Lycées Argentré - Macé, Rennes (depuis 2014).
Interview croisée de Catherine Batsch, IA-IPR d’anglais dans l’académie de Rennes et Nicole Witon enseignante d'anglais au Lycée Bertrand d'Argentré à Vitré.
Comment êtes-vous devenue partie prenante de ce projet ?

Nicole Witon
: Face aux mauvais résultats de nos élèves et plus généralement des élèves français (cf. résultat de Pisa) sur la compréhension de l’oral des langues étrangères,  nous souhaitions trouver des solutions pour aider nos élèves. Nous avons constaté lors de nos recherches qu’il n’y a pas grand-chose comme outil pour aider les enseignants à définir des stratégies. En plein questionnement, mon IPR, Catherine Batsch, me contacte pour me proposer de faire partie d’un groupe de recherche sur cette question ! L’objectif de ce groupe était de combiner le savoir-faire de terrain et de s’associer avec des chercheurs. J’ai tout d’abord décliné cette proposition à cause de ma charge de travail, mais la conviction de mon IPR et le fait de pouvoir trouver des solutions pour mes élèves m’ont convaincue. Il y a de tels besoins !
Catherine Batsch : Je suis en quelque sorte l’instigatrice de ce projet. Récemment, les modalités d’évaluation des langues au baccalauréat ont changé, notamment au niveau de la compréhension orale. Le problème, c’est que nous disposons de peu de connaissances scientifiques sur ce qui se passe dans « la boîte noire » de l’élève et que nous sommes de fait peu outillés pour rendre les élèves plus performants en compréhension orale. À la recherche de pistes pour aider les enseignants, je me suis rendue à une conférence de Stéphanie Roussel , maître de conférence en sciences du langage à l’Université de Bordeaux, dont les travaux portent précisément sur la compréhension orale. A l’issue de la conférence, je suis entrée en contact avec elle et, au fil de la discussion, il est apparu que nous avions une connaissance commune : Brigitte Gruson, maître de conférence en didactique des langues à l’ÉSPÉ de Bretagne. Toutes les trois, nous avons donc décidé de mener une recherche-action avec des enseignants.

Qui est concerné par ce projet ?

C.B. : Nous avons sélectionné deux lycées dans lesquels nous savions pouvoir nous appuyer sur une équipe pédagogique aguerrie. L’expérimentation concerne deux classes de seconde dans chaque lycée, soit environ 120 élèves. Nous travaillons sur quatre langues avec six enseignants : allemand, anglais, espagnol et breton.

En quoi consiste l’expérimentation ?

A.W. : Le protocole a été défini par les enseignants-chercheurs. Il comprend trois phases : un pré-test, une phase d’entraînement et un post-test.
Nous avons sélectionné des documents sonores dans quatre langues différentes (anglais, allemand, espagnol et breton) ayant le même niveau de difficulté. Ensuite nous avons mis au point des tests que nous avons fait passer aux élèves. Il y a donc eu 5 tests : un pré-test, 3 tests centraux servant d’entraînement et un post test.
Nous avons ensuite étudié les résultats avec un statisticien selon les groupes de niveaux définis grâce aux pré-tests. Nous voulions vérifier s’il y avait un  progrès par rapport au pré-test.  Nous avons constaté qu’il y a bien une évolution des élèves mais elle ne dépend pas du type d’entraînement que l’on a fait avec eux.  Pour le dire autrement, il y a une différence significative mais ni un entraînement cognitif ou un entrainement métacognitif ne peut expliquer à lui seul cette évolution.

Quel est votre rôle dans ce projet ?

C.B. : La méthodologie a été décidée par les chercheurs. Avec les enseignants, j’ai travaillé à la conception des tests et au choix des documents supports. Je participe également aux réunions de coordination pilotée par Brigitte Gruson.
N.W. : Nous nous voyons un fois tous les deux mois tous ensemble. Personnellement, en tant que correspondante du LéA, je vois régulièrement Brigitte Gruson.
Quel est pour vous l’intérêt de cette action ?
C.B. : Elle est pour moi fondamentale, car elle permet une meilleure connaissance des processus cognitifs. Savoir sur quels leviers agir pour améliorer la compréhension orale des élèves est pour moi l’une des meilleures façons de proposer un enseignement plus efficace.  En tant qu’inspectrice, il est important pour moi de concevoir soit des formations, soit des accompagnements pédagogiques afin de rendre les enseignants plus performants en entraînement de compréhension de l’oral. Les résultats de cette recherche doivent nous y aider.
J’observe aussi une lente mutation à l’œuvre dans le groupe. Souvent, une fois en poste, les enseignants s’inscrivent dans une trajectoire relativement linéaire. S’engager dans une telle action permet de faire un pas de côté et ainsi de remettre en cause ses pratiques. Je vois les enseignants modifier leur perception à la fois de l’entraînement à la compréhension orale, mais aussi de leur métier et de l’apport la recherche.
N.W. : Cette expérimentation me permet de sortir de la classe afin de prendre du recul et de rencontrer des gens très intéressants, notamment Brigitte Gruson, les IPR de plusieurs langues et de travailler en interlangue. Stéphanie Roussel et Jean-Philipppe Galan, professeur d’université à Bordeaux également, nous aident à étudier les résultats de manière scientifique. Cela m’a également permis de rentrer dans la classe de mes collègues enseignant d’autres langues et de trouver des points communs à nos questionnements.
Comment cette expérimentation peut-elle être utilisée pour former les enseignants ?
C.B. : Ce projet a ouvert de nouvelles perspectives de formation. Pour moi, la formation doit se nourrir de la recherche.  C’est pourquoi nous avons organisé une formation sur la compréhension orale qui s’appuie sur les apports de la recherche. Brigitte Gruson est intervenue. Les enseignants étaient enchantés des perspectives qu’elle a pu leur ouvrir, même sans leur apporter de pistes concrètes.
Quels ont été les effets de cette expérimentation au sein du lycée ?
N.W. : Cette expérience nous a rapprochées. Avec mes collègues d’espagnol et d’allemand, nous avions toutes les trois l’habitude de recevoir des stagiaires dans nos classes et nous partagions déjà une certaine vision des pratiques pédagogiques. Travailler ensemble, se filmer les unes les autres, ça nous a beaucoup aidé. Au sein de l’établissement, beaucoup de personnes se montrent intéressées et d’autres enseignants de langues aimeraient rejoindre le dispositif.
C’est aussi très positif pour les élèves, ils se sentent « élus », le regard des enseignants est tourné vers eux. Nous avons gagné leur confiance. Parfois, ils me posent la question : « Alors madame, est ce qu’on fait des exercices métacognitifs aujourd’hui ? ». Ils sont vraiment demandeurs d’information, alors nous leur avons donné des explications.
Nous avons aussi noté une meilleure aisance pour aborder la compréhension orale en classe. Ils n’ont plus peur, ils n’ont plus d’appréhensions.
La suite ?
Le LéA n’en est qu’à sa première année. Nous avons encore deux ans devant nous pour améliorer le dispositif. Nous nous sommes rendu compte que le protocole n’avait pas toujours été bien suivi, et il nous faut donc faire le bilan de nos erreurs. Le travail continue donc.
En savoir +
La page du LéA Lycées Argentré- Macé sur le site de l'IFE :
Les billets de blog concernant la vie du LéA Lycées Argentré-Macé
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