« J’ai pris deux balles, l’une de plomb, l’autre de liège, celle-là bien plus de cent fois plus lourde que celle-ci, toutes deux attachées à des fils fins et égaux, long de 4 à 5 coudées[2], fixés par le haut. Puis, les ayant éloignées l’une et l’autre de la verticale, je les ai laissées aller en même temps; et toutes deux descendant le long des circonférences, des cercles décrits par les fils et de rayons égaux, dépassèrent la verticale; puis elles revinrent en arrière par le même chemin et répétant bien cent fois les mêmes allées et venues, elles ont montré d’une manière évidente que la boule lourde marche tellement dans le même temps que la légère, qu’elle ne dépasse pas ce temps ni en cent oscillations, ni en mille , du plus petit intervalle, mais elle marche d’un pas tout à fait égal[3]. » ………..
» Eloignant le pendule de plomb de 50° de la verticale, et le laissant en liberté, il court, et dépassant la verticale presque de 50 autres degrés, il décrit un arc de près de 100°. Retournant alors en arrière sur lui-même, il décrit un autre arc plus petit; et continuant ses oscillations, après un grand nombre de celles-ci, il revient enfin au repos. Chacune de ces oscillations se fait dans des temps égaux, tant celle de 90°, que celle de 50°, ou de 20°, de 10° de 4°. Il s’ensuit que la rapidité du mobile diminue toujours, puisque dans des temps égaux il décrit successivement des arcs de plus en plus petits. » …………….
» Ensuite, quant à la proportion des temps des oscillations
des mobiles suspendus à des fils de différentes longueurs, des expériences
répétées, que chacun peut faire, m’ont démontré que ces temps sont en
proportion sous-doublée (8) des longueurs des fils; en d’autres termes, les
longueurs des fils sont en proportion doublée des temps, c’est-à-dire qu’elles
sont comme les carrés des temps des oscillations isolées ou d’un égal nombre
d’oscillations de sorte que, si l’on veut que le temps des oscillations d’un
pendule soit double du temps des oscillations d’un autre, il faut que la longueur
de la corde de celui-là soit quadruple de la longueur de la corde de celui-ci.
Et alors dans les temps d’une vibration d’un pendule, un autre en fera trois ,
si sa corde est neuf fois moins longue que celle de l’autre. Il suit de là que les longueurs des cordes ont entre
elles la proportion réciproque qu’ont les carrés des nombres des oscillations
qui se font dans le même temps[4].
»
Galilée n’a pas vu que la période dépend de
l’amplitude pour de grandes oscillations. Le Père Marin
Mersenne(1588-1648) relève l’erreur (« Nouvelles pensées de Galilée, Paris
1639) :
« Si l’auteur eût été plus exact en ses essais, il eût remarqué que la corde est sensiblement plus longtemps à descendre depuis le haut de son quart de cercle jusqu’à la perpendiculaire (verticale), que lorsqu’on la tire seulement dix ou quinze degrés, comme témoignent les deux bruits que font deux cordes égales, frappant contre un ais (planche) mis au point de la perpendiculaire. Et s’il eût seulement nombré jusqu’à trente ou quarante retours de l’une tirée vingt degrés ou moins, et de l’autre quatre-vingts ou nonante degrés, il est connu que la moins tirée fait un retour davantage sur trente ou quarante retours; et si l’on pouvait toujours en faire aller une à quatre-vingts degrés, tandis que celle de dix ou vingt degrés irait se diminuant, celle-ci pourrait gagner un retour sur dix ou douze retours. » Traduction J. Gay
Dans une règle ou plutôt un chevron de bois , long d’environ 12 coudées[5], large d’une demi-coudée et épais de 3 doigts, nous creusions un petit canal, d’une largeur à peine supérieure à un doigt, et parfaitement rectiligne ; après l’avoir garni d’une feuille de parchemin bien lustrée pour le rendre aussi glissant que possible, nous y laissions rouler une boule de bronze très dure, parfaitement arrondie et polie.
Plaçant alors l’appareil dans une position inclinée, en élevant l’une de ses extrémités d’une coudée ou deux au dessus de l’horizon, nous laissions, comme je l’ai dit, rouler la boule dans le canal, en notant, selon une manière que j’exposerai plus loin, le temps nécessaire à une descente complète ; l’expérience était recommencée plusieurs fois afin de déterminer exactement la durée du temps, mais sans que nous découvrîmes jamais de différence supérieure au dixième d’un battement de pouls.
La mise en place et cette première mesure accomplie, nous faisions descendre la boule sur le quart du canal seulement : le temps mesuré était toujours rigoureusement égal à la moitié du temps précédent. Nous faisions ensuite varier l’expérience, en comparant le temps requis pour parcourir la longueur entière du canal avec le temps requis pour parcourir sa moitié, ou les deux tiers, ou les trois quarts, ou toute autre fraction ; dans ces expériences répétées une bonne centaine de fois, nous avons toujours trouvé que les espaces parcourus étaient entre eux comme les carrés des temps, et cela quelle que soit l’inclinaison du plan, c’est à dire du canal, dans lequel on laissait descendre la boule.
Nous avons aussi observé que le temps de descente, pour les différentes inclinaisons du plan, avaient exactement entre eux les proportions que l’auteur, comme nous le verrons plus loin, avait prédite et démontrée.
Pour mesurer le temps, nous prenions un grand seau rempli d’eau que nous attachions assez haut ; par un orifice étroit pratiqué dans son fond s’échappait un mince filet d’eau que l’on recueillait dans un petit récipient, tout le temps que la boule roulait dans le canal. Les quantités d’eau ainsi recueillies étaient à chaque fois pesées à l’aide d’une balance très sensible, et les différences et proportions entre les poids donnaient les différences et proportions entre les temps ; la précision de l’expérience était telle que, comme je l’ai dit, aucune discordance significative n’apparut jamais entre les expériences, maintes et maintes fois répétées.
Galilée - 1638 – Dans « Discours et démonstrations mathématiques sur deux nouvelles sciences »
Il y a seize ans que nous avons rendu publique la construction des horloges récemment inventées par nous. Depuis ce temps nous y avons apporté beaucoup de perfectionnements que ce livre est destiné à faire connaître ; le principal consiste dans un moyen de suspension du pendule simple qui assure l’égalité des durées de ses oscillations, égalité qui ne se trouvait pas naturellement dans le pendule circulaire; c’est une propriété de la cycloïde qui nous en a donné les moyens. Cette propriété nous était apparue peu après la première édition de notre horloge et nous l’avions communiquée à quelques amis. Nous en donnons aujourd’hui la démonstration, qui formera la partie principale de ce livre. Mais il sera nécessaire de reprendre, pour l’asseoir sur des preuves plus certaines, la théorie de la chute des graves de l’illustre Galilée, théorie dont la propriété que nous avons trouvée dans la cycloïde forme en quelque sorte le point culminant.
Mais pour appliquer cette propriété à la construction du pendule, il nous a fallu aborder de nouvelles recherches concernant les courbes qui se produisent par évolution, théorie d’où naît le moyen d’obtenir les longueurs des courbes considérées comme évoluées[6].
D’un autre côté, pour expliquer la nature du pendule composé, il a fallu considérer les centres d’oscillation, dont la détermination avait été vainement essayée par plusieurs géomètres, mais moins heureusement ; on trouvera là des théorèmes relatifs aux lignes, aux surfaces et aux volumes qui, si je ne me trompe, paraîtront dignes d’attention.
Après le succès de notre invention, il arriva, suivant
l’usage, et comme je l’avais prévu, que plusieurs voulurent en avoir l’honneur,
ou, sinon eux, du moins leur nation, et je pense qu’il convient de faire
obstacle à leurs injustes efforts. Mais, comme je pense qu’il ne viendra à
l’esprit de personne de porter la discussion sur ce qui concerne l’emploi de la
cycloïde, il suffira simplement de lui opposer, ceci que, puisque avant la
description que j’ai publiée il y a seize ans de l’horloge, personne n’en avait
fait mention ni par parole, ni par écrit, c’est donc par mes propres
méditations que je l’ai découverte et perfectionnée. Les faits étant connus de
tout le monde, il est facile de voir ce qu’il faut penser de ceux qui, ne
pouvant produire le témoignage d’aucun savant, ni aucun acte des universités
bataves, ont écrit sept ans après qu’elle avait été publiée, qu’eux ou leurs
amis avaient été les promoteurs de la construction de l’horloge. Avant à ceux
qui, voulant l’attribuer à Galilée,
disent qu’il l’aurait tentée, mais n’y aurait pas réussi, il me semble qu’ils
lui font plus de tort qu’à moi-même; il est vrai que d’autres prétendent que
des horloges auraient été construites par Galilée ou par son fils, mais je me
demande comment ils pouvaient espérer faire croire qu’une invention si utile
ait pu rester ignorée durant huit années avant que je les publiasse; et s’ils
prétendent qu’on l’ait exprès tenue cachée, comment ne comprennent-ils pas que
celui qui l’a trouvée ait pu s’en attribuer la découverte ? Je devais dire cela
pour ma défense …
Préface de « Horologium oscillatorium » Passage traduit et abrégé par M. Marie
Hooke et l'ancre et le pendule
L'échappement à ancre
[1] Dialogo intorno ai due massimi sistemi del mondo, Tolemaico e Copernicano, Publiés en 1632
[2] coudée : ancienne mesure de longueur : distance du coude à l’extrémité du médius soit environ 50 cm
[3] les deux pendules ont même période
[4] les longueurs des pendules sont proportionnelles au carré de leur période
[5] la coudée vaut environ 50 cm : c’est la longueur mesurée de la pointe du coude à l’extrémité du doigt du milieu.
[6] Il s'agit ici des développantes et des développées