On annonça un jour à l'empereur l'arrivée d'une ambassade de Bagdad.
Son biographe Eginhard a décrit avec précision la réception:
" Charles était à l'apogée de sa gloire. Ce qu'il
était, il ne le devait qu'à lui-même. Deux personnes seulement
régnaient dans le monde: l'empereur et le pape, chacun d'une manière
admirable. Non pas d'après le code: ils étaient eux-mêmes
la loi. Charles se dressait ainsi, presque seul en Europe, grand mais aussi
terrible, parce que près de sa grandeur aucune joie ne pouvait réellement
s'épanouir. Mais moins redoutée, davantage respectée, sa
renommée retentissait dans les régions du Levant où, à
une cour lointaine, on parlait en une langue étrangère de ses
exploits guerriers. Haroun al Rachid, le grand souverain oriental sur le trône
de Bagdad, manifestait son admiration en lui envoyant de somptueux présents.
Des tentes luxueuses, gigantesques, de précieuses soieries, des baumes,
des fards, des onguents, d'admirables pelleteries. On eût cru que l'Orient
s'était vidé, pour remplir l'Occident. Des flambeaux colossaux
en métal, et une horloge, construite avec autant d'ingéniosité
que d'art, où le mouvement des douze heures était dû à
un mécanisme hydraulique, de petites boules de bronze tombant dans un
récipient qu'elles faisaient résonner, chaque fois qu'une heure
était révolue. Douze cavaliers se tenaient derrière douze
portes fermées. Autant de portes s'ouvraient, autant de cavaliers en
sortaient, que l'horloge sonnait de coups. Il y avait encore, dans le mécanisme
de cette horloge, beaucoup d'autres merveilles dont la description nous prendrait
trop de temps ".
" Haroun fit déposer tout ceci devant le trône de Charlemagne
par ses messagers qui, selon la coutume orientale se grisèrent de paroles
louangeuses. "