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Limites techniques
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De l’ADN ancien, d’accord mais pas trop | ![]() |
Les premières études se sont cantonnées à des fossiles
d’âge relativement récent, allant de quelques centaines à
quelques dizaines de milliers d’années. Mais évidemment, très
vite, on a voulu défier la limite du temps et remonter jusqu’à
des périodes très reculées. D’ailleurs, la découverte
que des peptides pouvaient être conservés au-delà de quelques
centaines de milliers d’années allait alimenter la course à la
recherche des séquences les plus vieilles. On atteignait 17 millions
d’années avec des feuilles de Magnolia sédimentées en milieu
lacustre anoxique, puis 30-35 millions d’années avec divers insectes
englués dans l’ambre ; bientôt un os de dinosaure, vieux de 65
millions d’années défrayait la chronique. La progression semblait
irrésistible ; parti de la fin du quaternaire, une anecdote à
l’échelle des temps géologiques, on arrivait à la limite
entre l’ère Tertiaire et l’ère Secondaire. Et on n’allait pas
s’arrêter en chemin : le record absolu était décerné
à des charançons préservés dans l’ambre, vieux de
125 millions d’années. Aucune époque géologique ne semblait
hors de portée de la paléogénétique. Un examen plus
attentif des séquences amplifiées allait cependant stopper net
la machine à remonter le temps. Le prétendu ADN amplifié
à partir du charançon n’était rien d’autre que celui d’un
champignon tout à fait actuel ! L’histoire allait immanquablement se
répéter avec chacune de ces séquences : l’ADN soi-disant
de dinosaure n’était qu’un contaminant… humain. La très sensible
technique d’amplification par PCR qui, pensait-on, avait permis d’amplifier
les infimes vestiges d’ADN contenus dans ces fossiles vieux de plusieurs millions
d’années était en fait tout aussi sensible pour amplifier des
traces d’ADN moderne, un bien meilleur substrat. Il a donc fallu se rendre à
l’évidence : l’ADN n’est pas éternel dans les fossiles. D’ailleurs,
sur la base théorique de la demi-vie des molécules d’ADN en solution
acqueuse, on estime que seules des conditions exceptionnelles permettent de
préserver une information génétique au-delà de 50
à 100 mille ans. Seul le Quaternaire récent peut donc être
soumis à l’enquête paléogénétique. Pourquoi
? parce que post-mortem, les acides-nucléiques sont soumis à tout
une diversité de processus de dégradation. Par exemple, les tissus
d’Ötzi (la fameuse momie de cinq mille ans retrouvée dans un glacier
alpin) ne contiennent plus que l’équivalent de dix à vingt génomes
nucléaires par gramme de tissu, soit un million de fois moins que chez
un organisme vivant. Bien qu’elles restent à l’état double-brin,
les traces d’ADN fossile sont excessivement fragmentées (segments de
100-200pb) ; des bases nucléotidiques sont perdues par hydrolyse de liaisons
N-glycosidiques, et la nature chimique des bases restantes a pu être modifiée
au cours du temps : produits d’oxydation (8-oxo Guanine), ou d’irradiation (photoproduits,
5-hydroxy 5-méthyl hydantoïne).
La PCR, une incontournable difficulté | ![]() |
L’ADN des fossiles est donc fragmenté, dégradé et chimiquement
modifié. Cette matrice n’est donc pas un substrat optimal pour la Taq
polymerase. Par exemple, l’existence de nicks sur les fragments anciens bloque
l’élongation catalysée par la Taq polymérase. L’encombrement
stérique lié à la présence de bases chimiques atypiques
(dimères de pyrimidines par exemple) a le même effet. Mais puisque
l’étape d’amplification des traces fossiles est indispensable compte
tenu de la quantité d’ADN présent, il a fallu contourner un certain
nombre de contraintes liées à des réactions de PCR réfractaires.
L’inhibition de la Taq… | ![]() |
Une première difficulté peut venir de la présence d’inhibiteurs
de la Taq polymérase, coextraits avec l’ADNa. Ces inhibiteurs agissent
en trans puisque la simple dilution des produits d’extraction suffisent généralement
à abolir leur effet et que certains protocoles d’extraction réduisent
leur copurification. Relativement peu de choses est connue sur la nature de
ces inhibiteurs. Certains seraient dérivés des constituants même
des tissus de l’organisme fossile (produits de Maillard, résidus porphyriques,
collagène de type I), d’autres seraient des composants même du
sol (acides humiques, fulviques, tannins). Généralement, l’ajout
de fortes concentrations en BSA (Bovine Serum Albumine) dans les réactifs
de PCR (jusqu’à 1mg/ml) suffit à contenir ces effets inhibiteurs.
Des recombinaisons aléatoires lors de la PCR… | ![]() |
Une seconde difficulté provient de l’état particulièrement
fragmenté de l’ADN fossile. Il arrive, lorsqu’on part d’un substrat dégradé,
que le fragment amplifié soit d’une taille plus grande qu’attendue (jumping
PCR). Il s’agit, dans les cas où ce ne sont pas des contaminations aspécifiques,
d’amplicons chimères produits lors des premiers cycles d’amplification
au cours desquels l'information présente en différents loci génétiques
est recombinée aléatoirement. Par nature ininterprétables,
de tels produits ont conduit, aux balbutiements de la discipline, à des
conclusions erronées. Les séquences reportées pour les
termites piégées dans l’ambre de Saint Domingue (vieilles de 30
MA) n’étaient en fait que des molécules chimères de plusieurs
espèces, dont des champignons et la drosophile.
Les contaminations… | ![]() |
Si les prétendues séquences datant de plusieurs millions
d’années ont servi à dévoiler le phénomène
jusqu’alors ignoré de jumping PCR, elles ont également révélé
le problème majeur de toute étude d’ADN ancien, les contaminations.
L’ADN des fossiles n’étant présent qu’à l’état de
traces dégradées, tout contaminant d’ADN moderne, intègre,
est susceptible d’être préférentiellement amplifié
lors de l’amplification par PCR. Généralement, le choix d’amorces
très spécifiques de l’espèce et du locus génétique
à étudier permet de s’affranchir des contaminants. Cependant,
cette stratégie est mise à défaut dans au-moins deux situations
fréquentes : lorsque le marqueur génétique est particulièrement
conservé entre différents groupes, il n’est guère possible
de recourir à des amorces d’amplification totalement spécifiques
; et, lorsqu’il s’agit d’hommes fossiles, il n’est point d’amorces qui s’affranchissent
de la source principale de contamination, l’ADN des gens qui ont été
au contact de l’échantillon. Dans ce cas, on établi alors le profil
génétique de toute personne ayant été au contact
avec le fossile, depuis les fouilles jusqu’au laboratoire, afin de remonter
à tout événement de contamination éventuel.
Les erreurs d’élongation | ![]() |
Puisque la Taq polymérase ne posséde aucun système
de correction des erreurs d’élongation (DNA proofreading), tout
mésappariement est conservé au cours de l’amplification. Si de
telles erreurs sont peu fréquentes sur des substrats d’ADN moderne, elles
sont tout au contraire particulièrement générées
lors de l’amplification des substrats anciens. Par exemple, parmi les principales
lésions formées à la suite de l’exposition à des
conditions oxydantes, la 8OH G s’apparie préférentiellement à
la base A plutôt qu’à la base C. A chaque cycle d’élongation,
la Taq polymérase est donc susceptible d’engendrer des transversions
CÆA, brouillant considérablement l’information présente
dans la séquence primaire du fragment ancien. Les études de paléogénétique
portant nécessairement sur des séquences courtes (100 à
200 pb), on comprend combien ces artefacts peuvent fausser le peu d’information
recueillie. Plusieurs stratégies ont été developpées
pour contourner ces problèmes et authentifier les mutations observées.
La première consiste à comparer les sites variables sur l’ADNa
à ceux d’espèces plus ou moins apparentées. Si un changement
est observé au niveau d’un site très conservé, il est peu
vraisemblable que la mutation amplifiée ait une réalité
biologique. Ce raisonnement simple a permis de repérer que les deux mutations
observées entre des segments de la cytochrome oxydase du quagga et le
zèbre des plaines étaient des artefacts puisque chez les Vertébrés
les codons " mutés " du quagga étaient invariants du Xénope
à l’Homme.
Ces mutations faux-sens sont donc vraisemblablement apparues post-mortem du
fait des modifications chimiques de l’ADN. Cependant, tous les marqueurs génétiques
étudiés ne permettent pas d’aligner aussi fidèlement les
séquences. Une seconde méthode consiste alors à cloner
systématiquement les produits d’amplification pour étudier la
distribution des mutations dues aux erreurs de la Taq polymérase. La
séquence majoritaire est ensuite retenue, en faisant le raisonnement
que les mutations liées à l’activité de la polymérase
sont aléatoires et qu’il est donc peu vraisemblable qu’elles affectent
systématiquement les mêmes sites.
ADN ancien : illustrations (cliquez sur une vignette pour l'agrandir) | ![]() |
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