En partenariat avec l’Institut d’art contemporain (IAC Villeurbanne), des étudiants de l'ENS de Lyon ont conçu une exposition intitulée « Nature humaine » dans le cadre de l'unité d'enseignement projet professionnalisante « Initiation au commissariat d’exposition en art contemporain », dirigée par Nathalie Ergino, Katia Touzlian et l'équipe de l'IAC,Stéphanie Fragnon et David Gauthier (ENS de Lyon).
Cette exposition est à découvrir à la galerie Artemisia du 23 avril au 28 juin 2019 et des visites guidées par les commissaires sont organisées les 14 et 31 mai, à 19 heures.
Depuis 2013, l’ENS de Lyon et l’Institut d’art contemporain (IAC Villeurbanne) travaillent ensemble dans le cadre de l'unité d'enseignement projet professionnalisante « Initiation au commissariat d’exposition en art contemporain ». Les étudiants qui s'y inscrivent, organisent une exposition, prenant en compte toutes les composantes, avec des œuvres prêtées par l’IAC, de l’élaboration du concept (le propos à établir collectivement) à la médiation en passant par les aspects techniques de conservation, de mise en espace, etc. Ceci leur permet d’acquérir, par la pratique et au contact de professionnels pendant quatre mois, les techniques de conception d’une exposition en art contemporain, à partir d’une sélection d'œuvres appartenant à une collection publique.
L’exposition se tient dans la galerie Artemisia de l’ENS de Lyon et est accessible aux étudiants et personnels de l’École mais également au public extérieur.
Cette année, l'exposition s'intitule « Nature humaine » et réunit, du 23 avril au 28 juin, des œuvres de Kate Blacker, Gloria Friedmann, Ben Hansen, Ingrid Book et Carina Heden. Elle a été conçue par Pauline Fleury, Laure Cheynel, Florence Lebon, Claire Derieux, Emma Duquet et Samuel Chenaud.
"Contre la disparition de la « nature », à la fois dans les catastrophes passées et à venir et dans le développement effréné des villes, est née l'idée d'un retour ou d'une « reconnexion » à cette même nature. Cette idée, souvent convoquée sous l’expression de « retour à la nature », semble même s'être muée en injonction. Mais de quelle nature parlons-nous ? Une telle injonction fonctionne comme s'il existait d'un côté l'homme, et, de l'autre, quelque part, la nature, une nature sauvage, intacte. Or, cette nature là n'existe plus, voire n'a jamais existé : à l'ère de l'Anthropocène, nous faisons partie de la nature et ses dégradations, nous les causons. Nos activités ont eu et continuent d’avoir un impact sur les sols, les mers, les eaux, sans que nous nous en apercevions toujours (pollution bien souvent invisible par exemple).
Sous notre influence, la nature a donc changé. Elle n'est plus « naturelle » mais humaine, trop humaine. Peut-on encore alors aspirer à cette sublime « fusion » du corps et de la nature, telle que l'avaient, par exemple, pensée les romantiques ? C'est cette question aux accents tragiques que posent les œuvres choisies pour notre exposition. La photographie de Ben Hansen (extraite de la série De Dollard, 1980-1983) d’un sable comme noirci de pétrole auquel des corps tentent en vain de s'unir, illustre cette tension, cette ultime tentative de retrouver un contact perdu. Sable noir ou marée noire ? Une ambivalence plane sur le caractère naturel, ou non, de cette matière.
D'autres artistes jouent de cette même ambiguïté en nous donnant à voir une image de la nature mais façonnée à partir de ce qui lui est le plus opposé : un matériau industriel. Gloria Friedmann (Rivière d’une nuit d’hiver, 1983) recrée ainsi la forme d'un cours d’eau par l’assemblage ondulant de chambres à air en caoutchouc. D'une manière assez proche (et la même année) Kate Blacker (Ama Dablam, 1983) agrège des tôles plissées en acier pour leur donner l'aspect de crêtes montagneuses.
Séduisante et attirante est la beauté de ces images, mais la réalité qu'elle suggère est bien plus sombre. Le noir domine. Or, le noir est associé au temps du charbon et des usines, tout autant qu’à une forme d’inquiétude et de mélancolie. Le tirage de Ben Hansen, un corps replié sur lui-même et un visage aux yeux clos, bien loin d’une harmonie retrouvée, semble ainsi davantage signifier la mort. « Dans le noir, pas de vie possible » (Michel Pastoureau, Noir, histoire d’une couleur, 2008).
Face à toute cette noirceur, l’on pourrait trouver refuge dans la verdure de la photographie d’Ingrid Book et Carina Hedén de l’ensemble Utopia Station (2003). Et pourtant, là encore, la recréation d’une nature artificielle par l’homme laisse un sentiment doux-amer. Car ces hommes assis sur des chaises de jardin dans un parc ne font face qu’à un substitut de nature, recréée et parquée par l’homme. Le lien avec la « nature » semble ne pouvoir être que lacunaire et illusoire."
>>> Visites guidées par les commissaires les 14 et 31 mai, à 19 heures
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