Le point de vue de Hervé Piegay, directeur d'EVS.
Le laboratoire EVS : quelques chiffres
EVS compte 334 membres :
- 117 chercheurs ou enseignants-chercheurs
- 35 personnels techniques et administratifs
- 182 doctorants et post-doctorants
Pourriez-vous nous dire quelles sont les évolutions dans la manière de travailler ?
Après quatre semaines de confinement, la plupart des personnels de notre unité sont en télétravail. Nous avons également mis en œuvre de nouvelles démarches pédagogiques à partir des plateformes d’enseignement à distance. Nos enseignants-chercheurs sont en ce moment très investis sur ces missions. Les visioconférences se sont généralisées et les échanges sont intenses... Après avoir banni Zoom, on se tourne comme jamais vers WebConference ENS, Renater, SkypeEntreprise, GoToMeeting. Ces sites hier peu connus nous deviennent familiers, certains travaillent leur arrière-plan, une plage des caraïbes et d’autres paysages exotiques ou loufoques sont testés !
Dès le début du confinement nous avons essayé d’avoir une animation afin de s’assurer que tout le monde travaille dans les meilleures conditions et que personne ne se trouve isolée. Les gestionnaires de l’unité sont réunis en visioconférence chaque semaine autour d’un webcafé et nous partageons ainsi des informations concernant les activités en cours sur chacun des sites de l’unité. Un concours photo et une formation "poster" impliquant les doctorants ont également été lancés.
Cartographie oblige, la plate-forme ISIG a mis en place un petit jeu collectif permettant de savoir où sont les uns et les autres et où ils rêveraient d’être. Chacun a utilisé un pseudo et la simple lecture de la carte amène tout un chacun à sourire. Le jeu est de retrouver les collègues à travers les pseudos qu’ils ont choisis. ISIG, vous connaissez ? C’est une plateforme d’EVS sur l’ENS et l’UJM : vous pouvez regarder en boucle la super vidéo de Lise !
Nous avons également lancé le Fil d’info hebdomadaire EVS 2.0 recensant les initiatives et donnant quelques éléments sur la vie de l’unité, des anecdotes aussi. Plutôt que de partager un quotidien que nous connaissons tou·te·s, ponctué de visio-conférences plus ou moins laborieuses, on partage "une ch’tite illustration" (sic), un petit moment de respiration, en lien avec l’actualité.
Nous avons accueilli ces dernières années de jeunes chercheurs qui ont des enfants en bas âge. C’est le cas aussi de certains de nos post-doctorants et doctorants. Ils essaient de jongler entre leur vie de famille et leur travail de recherche et certains se culpabilisent de ne pas avancer, ayant du mal à travailler, à se concentrer. Essayer de relativiser et inviter les uns et les autres à profiter du temps présent sont également des messages que nous faisons passer afin de maintenir un état d’esprit positif dans la situation que nous connaissons et s’assurer du bien-être de tous, être vigilant à toute situation d’isolement et de détresse.
Pour faire part d’une animation virtuelle que les chercheurs souhaitent mettre en œuvre, nous avons même un questionnaire en ligne !
Sur la plateforme ISIG, Kristell Michel nous a proposé un voyage musical dans le temps et dans l'espace ! Vous verrez ainsi une carte du monde s'afficher, promenez votre souris au gré des continents, des pays, puis choisissez une décennie afin de découvrir quelles chansons on écoutait dans ce pays-là, à cette époque-là. Sympa non ? Le spatio-temporel, c’est EVS.
Préparer l’après, recenser les missions qui pourront être prioritaires au moment de la reprise de l’activité, recenser et prioriser toutes les analyses qui sont prévues au laboratoire, sont également des actions que l’on conduit dès à présent.
Pensez vous que ces nouvelles habitudes / méthodes changeront durablement votre manière de travailler ?
Ces nouvelles méthodes sont appropriées pour travailler en réseau sur une période limitée. Sans doute contribueront elles cependant à favoriser davantage le télétravail et à limiter certains de nos déplacements pour des réunions qui pourront se faire de toute évidence en visioconférence. Les doctorants ont ainsi organisé un café fluvial, un séminaire de l’unité en visioconférence avec près de 20 personnes. La présentation s’est extrêmement bien déroulée et les échanges scientifiques ont été importants. Nous avons dû annuler le Symposium International d’Écohydraulique qui devait rassembler près de 200 chercheurs sur Lyon fin mai et travaillons à l’organisation d’un WebSeminar avec les chercheurs invités, la présentation des posters et autres animations en ligne en octobre. Il est maintenant probable que certaines conférences rassemblant plusieurs milliers de personnes soient maintenant proposées en ligne. C’est ainsi le cas de l’EGU cette année du 4 au 8 mai ! Certains collègues praticiens ont lancé une TV Youtube sur la gestion des cours d’eau et nous sollicitent, une plateforme interactive sciences et sociétés qui a peut-être une chance de perdurer après le confinement si elle trouve son public.
Malgré tout cette période de confinement pose pas mal de soucis. Des actions de recherche ne peuvent pas être conduites. Les collègues s’adaptent, certains entretiens impliquant notamment des chargés de mission de collectivités se font via une plateforme de WebConférence. Les enquêtes réalisées auprès des acteurs sur le terrain sont en revanche repoussées. Les travaux qui nécessitent des mesures in situ sont également repoussés alors que certaines campagnes devaient être impérativement conduites à cette période. Je pense notamment au suivi de cours d’eau comme la Séveraisse dans l’Oisans dont on étudie le transport solide au moment de la fonte nivale. Une mission en Martinique de 15 jours avec un départ le 26 mars impliquant cinq personnes dont deux stagiaires tout juste arrivés au laboratoire a dû être annulée dans l’urgence mettant en péril les travaux de recherche en cours.
Les trois journées annuelles d’EVS que nous avons généralement en mai ont dû être annulées cette année alors que c’est un des grands moments où on peut tous se retrouver et échanger scientifiquement. Je doute qu’un tel événement dont la portée est à la fois scientifique et collective ne puisse se faire un jour en visio…
Parmi les nouvelles habitudes pensez-vous en garder certaines une fois le confinement fini ?
Difficile à dire… Notre esprit est davantage tourné vers le mouvement, le déplacement, les interactions sociales à l’extérieur du domicile ! On fera le bilan en décembre.
COVID-19 a eu un impact sur la recherche est-ce que de nouvelles orientations ont été prises de nouveaux objets de recherche ont émergé ?
Certains de nos collègues se sont emparés du sujet. Une réflexion s’amorce autour de l’atelier "santé et environnement" pour mettre en place un dispositif d’analyse territoriale de nos lieux de confinements. Nous envisageons le lancement d’une enquête/cartographie collaborative dans les prochains jours.
Sur l’atelier géomatique, les collègues tiennent à jour la page de Carto-graphiques du COVID19 grâce aux suggestions des uns et des autres.
Le Labex IMU a lancé une enquête photographique sur "Lyon confiné" autour des thèmes du silence, du retour de la nature et de l’absence, envisageant à terme une exposition.
Michel Lussault, propose à l’École Urbaine de Lyon une analyse de la situation liée à la pandémie de COVID-19 afin d’en faire un événement anthropocène.
L’atelier sur le bien être en ville à également lancé une enquête nationale en ligne sur le confinement et ses effets sur le quotidien avec une entrée bien-être, relations sociales et habitudes de vie.
Hervé Piegay
Géographe, directeur de Recherche CNRS sur le site de l’ENS de Lyon au sein de l’unité de recherche EVS, Hervé Piegay travaille principalement sur les systèmes fluviaux des Alpes et de leur piémont, en interaction étroite avec les praticiens (Agences de l'Eau, Régions, Ministère de l'Écologie, AFB, Compagnie Nationale du Rhône, EDF, collectivités territoriales)
Disciplines
Mots clés