Laurent BAGGIONI (Laboratoire Triangle)
Prenant appui sur une historicisation critique des postulats méthodologiques et idéologiques au fondement des catégories d'humanisme civique et de républicanisme, la thèse entend renoncer à une lecture théorique de l'œuvre des humanistes florentins et restituer aux textes leur statut d'énoncés historiques. L'enjeu est de redessiner les lignes portantes d'une tradition civile et républicaine propre à la réalité florentine dont les penseurs des guerres d'Italie (Savonarole, Guichardin, Machiavel) seront les dépositaires critiques.
Un travail d'interprétation de la correspondance familière de Coluccio Salutati (1331-1406) constitue le socle de la recherche et fait apparaître la dimension juridique de la pensée du chancelier, et ce à double titre : d'une part elle révèle l'omniprésence d'un lexique juridique qui fournit l'essentiel de l'arsenal interprétatif de l'analyse politique, et d'autre part, elle définit un « office d'exhortation » qui constitue la théorie politique de Salutati non pas simplement comme une rhétorique propagandiste mais aussi comme un discours réformateur. L'apport de Leonardo Bruni (1370-1444) est ainsi réévalué dans le sillage de l'humanisme politique de Salutati, et se distingue de ce dernier surtout par la valeur nouvelle accordée à l'histoire dans l'élaboration d'une langue et d'une science de la vie civile.
Dans cette optique, la « liberté florentine », appréhendée à travers l'œuvre didactique et littéraire des chanceliers-humanistes, ne se réduit pas, au tournant du XVe siècle, à une idéologie au service de l'oligarchie, mais sert à garantir le dépôt d'une tradition menacée.ENS de Lyon - Site Descartes - Salle F 008