Le cours de philosophie et d'épistémologie des sciences sociales sera consacré, cette année 22-23, à l'étude de certains des rapports qu'entretiennent les sciences sociales avec la critique. Il s'agira d'explorer, de manière approfondie et dans des directions variées, le statut et les fonctions des régimes de critique dans les sciences sociales. 

Certains postulats épistémologiques et méthodologiques des sciences sociales, souvent invoqués comme des mantra, sont trop peu interrogés : la "neutralité axiologique", la "séparation fait/valeur", la démarcation entre "description" et "prescription", les rapports entre "vérité" et "objectivité", etc. Adopter le prisme de la critique, c'est se contraindre à ré-interroger certains de ces présupposés, c'est les rendre de nouveau discutables. Il s'agirait donc de prendre acte d'un tournant nécessaire par lequel passer d'un dogmatisme exclusif à un pluralisme épistémologique inclusif. La question de la critique, telle que nous entendons la développer dans ce cours, a pour visée principale, épistémologique et éthique, un pluralisme épistémologique, seul moyen de donner prise à l'éthique de la discussion critique comme instrument de mise à l'épreuve et de construction toujours provisoire de l'objectivité des faits établis par les enquêtes scientifiques.

Dans cette perspective - celle d'un pluralisme épistémologique -, la critique revêt différentes fonctions: établir les conditions sociales de possibilité des sciences sociales; contribuer à l'auto-réflexivité du sujet connaissant qui prend alors conscience des privilèges qui déterminent sa condition sociale de savant et, peut-être, last but not least, fort de cette prise de conscience, identifier l'exigence morale et politique de rendre cette connaissance plus commune, publique, en un mot de la socialiser pour la constituer en "ressource" ou "instrument" d'émancipation et de libération. Autre manière, moins polémique et dogmatique, de poser la question, complexe et historiquement déterminée, des rapports entre sciences sociales et mobilisations sociales et politiques.