Pendant combien de temps le virus reste-t-il actif dans notre organisme ? Pourquoi certains patients présentent une forme sévère de la maladie de la Covid-19 ? Comment pouvons-nous anticiper la détection de ces potentielles formes graves ? En mai 2020, plusieurs équipes françaises et internationales ont mis en évidence chez les patients atteints de forme sévère de la maladie, la présence d’un déficit en interféron de type I (IFN-I) acteur principal de la réponse antivirale. À la suite de ces travaux, des services cliniques des Hospices Civils de Lyon et du CHU de St Étienne, des chercheurs lyonnais des équipes VirPath, LYACTS et GIMAP du Centre International de Recherche en Infectiologie (Université Lyon 1, Inserm, CNRS, ENS de Lyon) et du laboratoire commun des Hospices Civils de Lyon-bioMérieux en collaboration avec l’Institut de recherche Imagine (Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP) ont caractérisé fonctionnellement la réponse IFN-I anti-SARS-CoV-2 de manière longitudinale chez des patients présentant des manifestations légères de Covid-19, ainsi que chez des patients présentant des formes graves admis en réanimation. Les résultats de ces travaux de recherche sont publiés dans la revue Journal of Experimental Medicine.
Les premiers résultats obtenus à partir de prélèvements sanguins de 44 professionnels de santé des HCL infectés par le SARS-CoV-2 présentant des formes légères de la maladie suivis pendant plusieurs semaines ont permis de mettre en évidence le rôle prédominant de la réponse IFN-I. Cette réponse à l'infection par le SARS-CoV-2 était présente de manière précoce, transitoire et associée à la charge virale.
Les chercheurs des Hospices Civils de Lyon, du CHU de St Étienne, de l’Inserm, du CNRS et de l’UCBL ont par la suite pu mettre en évidence la capacité de mesurer cette réponse IFN-I par une technique innovante en seulement 45 minutes et à partir du même écouvillon nasal utilisé pour le dépistage du SARS-CoV-2. Les résultats obtenus ont permis de mettre en évidence que la réponse IFN-I nasale était proportionnelle à la quantité de virus, elle-même liée au risque de transmission.
Ces résultats soulignent le fait que la mesure de la réponse IFN-I au niveau nasal pourrait être utilisée comme marqueur d’une infection active par le SARS-CoV-2 en combinaison avec la détection du SARS-CoV-2. Cette mesure pourrait ainsi aider rapidement à l'identification des patients à risque de transmission du virus, et réciproquement aider à éviter les mesures de quarantaine aux patients qui ne représentent pas ou plus une source possible de contamination.
En parallèle, le déficit en IFN-I, notamment expliqué par la présence d’auto-anticorps qui vont empêcher l’action antivirale de l’IFN-I, a été décrit chez 1 patient sur 6 présentant des formes sévères de COVID-19. Les chercheurs ont alors tenté de voir si ce déficit en IFN-I pouvait également être identifié à partir de l’écouvillon nasal servant au dépistage du SARS-CoV-2 chez les personnes se rendant à l’hôpital après avoir été infecté. Chez des patients admis en réanimation pour une forme sévère de Covid-19 qui possédaient des auto-anticorps contre les interférons alpha et omega, deux classes d’interferons de type I, une absence de réponse IFN-I a été mise en évidence dans les prélèvements nasaux qui contenaient pourtant de grande quantités de particules virales.
Ces résultats ont été confirmés dans un modèle prédictif d’infection in vitro d’épithélium respiratoire humain reconstitué d’origine nasale (développé par l’équipe VirPath). Les auto-anticorps anti IFN-I sont capables d’inhiber l’action antivirale de ces molécules, entraînant une réplication virale importante et une perte de l’intégrité physiologique des épithéliums cultivés in vitro. D’autres types d’IFN non ciblés par les auto-anticorps permettraient de remplacer l’action des interférons alpha et omega, d’après les résultats expérimentaux obtenus dans ces modèles physiologiques. Les chercheurs soulignent leur possible utilité en tant que traitement précoce afin de prévenir le développement de forme critique de la maladie en limitant la réplication virale du SARS-CoV-2.
La mesure de la réponse IFN-I et l’évaluation de la présence d’auto-anticorps au niveau nasal pourrait ainsi être utilisée pour aider à stratifier les patients et à identifier ceux qui risquent de développer des symptômes sévères dès les premiers stades de l'infection au moment de l’écouvillonnage pour le dépistage moléculaire standard du SARS-CoV-2.
Source : Early nasal type I IFN immunity against SARS-CoV-2 is compromised in patients with autoantibodies against type I IFNs. Jonathan Lopez, Marine Mommert, William Mouton, Andrés Pizzorno, Karen Brengel-Pesce, Mehdi Mezidi, Marine Villard, Bruno Lina, Jean-Christophe Richard, Jean-Baptiste Fassier, Valérie Cheynet, Blandine Padey, Victoria Duliere, Thomas Julien, Stéphane Paul, Paul Bastard, Alexandre Belot, Antonin Bal, Jean-Laurent Casanova, Manuel Rosa-Calatrava, Florence Morfin, Thierry Walzer, Sophie Trouillet-Assant. J Exp Med (2021) 218 (10).
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