Nous nous intéresserons dans ce cours à la persistance du romanesque sur les scènes contemporaines et à ses implications esthétiques et politiques. Depuis la fin du XIXème siècle et « l’invention de la mise en scène », l’adaptation de roman a été le lieu de tentatives de réinvention de l'art théâtral, et notamment de la remise en question du modèle dramatique. Les composantes spécifiques du roman - telles que la narration, la description ou le discours indirect libre - sont à certains égards anti-dramatiques. En tant que "genre qui égalise les personnages et dissout les enchaînements d’actions dans la multiplicité des accidents de la vie" (Jacques Rancière), le roman questionne les limites de la représentation théâtrale et pousse la mise en scène à inventer des "solutions", c'est-à-dire redéfinir son rapport à la fiction, à l'action, au personnage, au public. Nous repartirons de quelques exemples historiques (André Antoine, Antoine Vitez) avant d'aborder la scène contemporaine (Frank Castorf, Sylvain Creuzevault, Séverine Chavrier, Julien Gosselin...). Quel genre de théâtre s'invente-t-il au contact du roman, et de quel genre de roman ? Qu'en est-il, aujourd'hui, de la dramaticité des adaptations romanesques ? Qu'est-ce que les artistes viennent puiser dans le roman ? Qu'est-ce que cela raconte de notre époque ? Les stratégies d'adaptation et les éléments privilégiés au cours de ce "transfert" ou de cette "traduction" (restitution scrupuleuse de l'intrigue, traduction théâtrale d'un style, usage d'un matériau, ou encore mise en avant d'un contenu social...), engagent différentes définitions du théâtre qui seront au cœur de nos réflexions.
Nous confronterons ces réflexions théoriques à des expérimentations au plateau, en travaillant à l'adaptation d'une ou plusieurs nouvelles d'Ingeborg Bachmann (voir bibliographie)
Validation : un court dossier individuel (entre 5 et 10 pages) analysant un ou plusieurs spectacles + présentation en groupe d'une proposition scénique