Jean-Loup Rivière, professeur émérite en études théâtrales à l'ENS de Lyon, a disparu ce samedi.
Il a été Professeur au sein du Département des Arts entre 2004 et 2016 et l'a dirigé entre 2004 et 2013. Il était également membre du CERCC.
Il était une figure incontournable du théâtre, les hommages en témoignent.
Anne Pellois, maîtresse de conférences en études théâtrales à l'ENS de Lyon, a travaillé à ses côtés pendant 10 ans et lui rend hommage.
"En apprenant la disparition brutale de Jean-Loup samedi matin, c’est un immense chagrin qui m’est tombé dessus. Dix ans de travail en commun fabriquent une étrange intimité. J’ai commencé ma carrière avec Jean-Loup. À ses côtés j’ai découvert mon métier, j’ai découvert Vitez, j’ai forgé mon goût de l’histoire d’un art du jeu réputé sans histoire. Ensemble, nous avons travaillé avec les autres disciplines artistiques à la construction chaotique de la section Arts. Une autre époque, pas si lointaine et déjà si autre.
Quand je suis arrivée ce matin, un grand fantôme m’accompagnait dans le couloir du 3e étage, au théâtre Kantor, dans la salle Dutilleux. Un grand fantôme escorté de promos entières d’étudiant.e.s. En recevant les mails de tristesse, en lisant les témoignages des un.e.s et des autres, au téléphone, j’ai pris toute la mesure de ce que je savais pourtant déjà : Jean-Loup a marqué profondément toute une génération d’élèves, des pionniers de 2004 pour ce qui commençait tout juste à s’appeler section Arts jusqu'au moment de son départ en 2016 (retraite n’était manifestement pas un mot qui faisait partie de son vocabulaire). Dans les ateliers de dramaturgie appliquée où le texte se pensait par les pieds et au plateau, dans ses séminaires à la recherche des "êtres mixtes" et des "états d’inconscience", dans ses ateliers d’écriture à l’IMEC où l’on "réveillait l’archive", Jean-Loup distillait entre ses si longs silences des petites choses qui résonnaient des semaines plus tard, des fulgurances qui nourrissaient l’un.e et agaçaient l’autre, des coups de gueule, des analyses rêveuses et des désormais célèbres digressions dont on ne savait jamais où elles achèveraient leur sinueuse course.
Mais peut-être que ce qu’il a transmis de la manière la plus certaine, c’est l’absolue nécessité du théâtre, même si parfois l’on s’y endort, même quand c’est raté, même quand ça lasse. Car c’est là qu’on s’y rencontre entre humains, qu’on s’y découvre autre ou semblable, c’est là qu’on apprend de l’homme. C’est, pour paraphraser Vitez qu’il aimait beaucoup le meilleur des "laboratoires des comportements humains". C’est un outil de compréhension du monde, le spectacle d’une connaissance. "Au fond - disait-il en avril 2016 lors de son dernier séminaire à l’ENS de Lyon - le théâtre et les mathématiques, c’est ce qu’il y a de mieux pour apprendre à modéliser".
Jean-Loup, j’espère que tu as réussi là où tu es à emporter un peu de théâtre, beaucoup de ceux à qui tu manqueras, et de quoi faire la cuisine."
Anne Pellois
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