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Actualité de l'ENS de Lyon

Les nanoplaquettes de CdSe possèdent un dipôle électrique permanent

nanoplaquettes de CdSe isolées
Publication
 

Un matériau possède une polarisation électrique spontanée lorsque les distributions spatiales des charges positives et négatives y sont décalées, un phénomène aussi appelé la ferroélectricité. Celle-ci est donc intimement liée à la symétrie de la structure cristallographique du composé. Les matériaux de type zinc-blende comme CdSe, un semi-conducteur très fréquemment utilisé, ne sont pas ferroélectriques. Toutefois, des chercheurs du LPS et de l’ENS Lyon ont découvert que des nanoplaquettes de CdSe, de seulement quelques atomes d’épaisseur, présentent un grand moment dipolaire électrique permanent. Cette propriété inattendue des nanoplaquettes de CdSe pourrait expliquer leur supra-organisation spontanée dans des grandes structures et influencer leurs remarquables propriétés opto-électroniques.

Communication du LPS Orsay du 6 juillet 2020.

Publication du Laboratoire de chimie dans le n°20 de la revue Nanoscale de l'année 2020.

 

Les nanoplaquettes de CdSe (de fines nanoparticules plates) ont des propriétés physiques remarquables et pourraient être de futurs composants pour toutes sortes d’applications comme des sources lumineuses [1]. Bien que le matériau CdSe ne soit pas ferroélectrique, la présence d’un dipôle électrique permanent a été détectée pour les nanoplaquettes de CdSe par une technique optique appelée "biréfringence électrique transitoire" (BET) : Un champ électrique est appliqué de manière transitoire à une dispersion colloïdale de nanoplaquettes dans un solvant. Alors, les particules s’alignent et on observe de la biréfringence. Quand on coupe le champ, les particules se désorientent sous l’effet de l’agitation thermique et la biréfringence disparait. Les détails de la dynamique de ces phénomènes dépendent de la forme des nanoparticules et de leurs propriétés électriques. En comparant ces expériences avec des modèles, il est donc possible d’extraire des informations quantitatives sur la polarisation des particules. Cette technique a été appliquée non seulement à des plaquettes de CdSe isolées mais aussi à des fils de plaquettes empilées (voir la Figure 1) dont la dynamique et la réponse en champ sont très différentes du fait de leur géométrie particulière. Dans le cas des fils, le signe du signal de biréfringence dépend de la fréquence du champ (voir la Figure 2), ce qui constitue une signature claire du fait que les nanoplaquettes portent un moment dipolaire électrique permanent. Ces expériences complémentaires ont fourni la direction et l’amplitude du moment dipolaire (≈ 300 Debye), une valeur étonnamment grande pour de telles nanoparticules. Le dipôle électrique des nanoplaquettes pourrait provenir de la déformation de torsion, de basse symétrie, récemment observée, engendrée par la couche dense de molécules organiques qui les couvre [2]. Ce dipôle électrique affecte non seulement les propriétés optiques des nanoplaquettes mais aussi la manière dont elles s’auto-organisent en architectures ordonnées à grande échelle comme les fils. Ce travail suggère aussi qu’il faudrait rechercher l’existence de dipôles permanents pour d’autres nanoparticules car leur importance a peut-être été négligée jusqu’ici.

 Figure 1 : Images de microscopie électronique à transmission (à gauche) de nanoplaquettes de CdSe isolées, à plat sur le substrat, et (à droite) de quelques fils de nanoplaquettes empilées observées sur la tranche (référence [2]).
Figure 1 : Images de microscopie électronique à transmission (à gauche) de nanoplaquettes de CdSe isolées, à plat sur le substrat, et (à droite) de quelques fils de nanoplaquettes empilées observées sur la tranche (référence [2]).
 Figure 2 : Signaux de BET (lignes rouges) de suspensions de fils de nanoplaquettes soumis à des pulses de champ électrique alternatif de basse fréquence (à gauche, 70 Hz) et de haute fréquence (à droite, 70 kHz). (Les lignes noires représentent la variation du champ électrique et les lignes bleues sont des ajustements des données par un modèle.) Le signal BET est négatif à basse fréquence mais il est positif à haute fréquence.
Figure 2 : Signaux de BET (lignes rouges) de suspensions de fils de nanoplaquettes soumis à des pulses de champ électrique alternatif de basse fréquence (à gauche, 70 Hz) et de haute fréquence (à droite, 70 kHz). (Les lignes noires représentent la variation du champ électrique et les lignes bleues sont des ajustements des données par un modèle.) Le signal BET est négatif à basse fréquence mais il est positif à haute fréquence.

[1] S.Ithurria, B.Dubertret, J. Am. Chem. Soc., 130, 16504 (2008).
[2] S.Jana, M. de Frutos, P.Davidson, B.Abécassis, Science Advances, 3, e1701483 (2017).

Source : Probing Permanent Dipoles in CdSe Nanoplatelets with Transient Electric Birefringence. I. Dozov, C. Goldmann, P. Davidson, & B. Abécassis. Nanoscale 20 (2020).

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