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L’impact culturel de changements climatiques sur des populations préhispaniques

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Communiqué de presse / Publication
 

Une étude géochimique et des datations au carbone 14 de restes humains de la population préhispanique les Guanches – des Îles Canaries (Grande Canarie) – ont été menées par des scientifiques du Laboratoire de géologie de Lyon : Terre, planètes, environnement (LGL-TPE - Université Claude Bernard Lyon 1/CNRS/ENS de Lyon), en collaboration avec des archéologues espagnols. Ils ont mis en évidence un épisode de refroidissement climatique qui s'est déroulé au début du "Petit âge glaciaire", à la fin du XIIIe siècle. Ces résultats, publiés dans Journal of Archaeogical Science, démontrent l’impact culturel de ce changement climatique sur la population autochtone.

Communiqué de presse de l'Université Claude Bernard Lyon 1 le 15 février 2021.

Étudier le passé pour éclairer le présent et l’avenir. C’est ce que propose cette étude qui s’intéresse à des changements climatiques au cours du dernier millénaire. Tout au long de cette période ont eu lieu des variations climatiques significatives, impactant de diverses façon les civilisations.

Des épisodes documentés de changements climatiques sont aujourd’hui considérés comme ayant contribué à l’effondrement de civilisations telles que les Akkadiens de Mésopotamie, ou les Mayas de la péninsule Yucatán. Au contraire, d’autres civilisations comme le peuple de l’Égypte antique ont su faire preuve de résilience face à des épisodes de sécheresse millénaire. 

Pour mieux comprendre ces facteurs de vulnérabilité ou de résilience face aux variations climatiques, l’équipe lyonnaise s’est intéressée à un épisode de refroidissement particulier au début du Petit âge glaciaire ou PAG – entre la fin du XIIIe siècle et le début du XIVe siècle.

Jusqu’à maintenant, ce PAG a principalement été documenté en Europe : climats plus froids, chutes de neige précoces, tempêtes fréquentes de grande ampleur et inondations récurrentes. Dans cette nouvelle étude, les scientifiques se sont intéressés à des restes humains de la population préhispanique les Guanches des Îles Canaries (Grande Canarie), une île subtropicale (environ 29°N). 

À travers une étude géochimique et des datations au carbone 14, les chercheurs ont évalué la relative stabilité de la composition du régime alimentaire de cette population. Un marqueur culturel qui permet de rendre compte de la vulnérabilité ou de la résilience des populations face à des changements climatiques. Ces travaux ont été menés en lien avec la plateforme d’écologie isotopique du Laboratoire d’écologie des hydrosystèmes naturels et anthropisés (LEHNA - Université Claude Bernard Lyon 1/CNRS/ENTPE) avec la collaboration du Laboratoire de biométrie et biologie évolutive (LBBE - Université Claude Bernard Lyon 1/CNRS/VetAgro Sup) et des archéologues espagnols.

Si cette population vivait essentiellement à l'intérieur de l'île et en altitude, avec une alimentation reposant quasi exclusivement sur l'élevage – chèvres, moutons etc. – et la culture – céréales, fruits – pendant la période dite "Période Médiévale Chaude", la population a fini par se déplacer vers les côtes aux microclimats plus cléments durant le début du PAG. Il en résulte une diversification de leur régime alimentaire incluant dorénavant une fraction significative de produits de la pêche (poissons et coquillages). 

Ces résultats montrent qu’une île subtropicale a pu être affectée par un tel événement climatique réputé jusqu’ici pour n’avoir seulement affecté que les plus hautes latitudes de l’hémisphère nord. Cette étude met en évidence l'impact des changements climatiques récents sur les civilisations.

Source : Climatic change and diet of the pre-Hispanic population of Gran Canaria (Canary Archipelago, Spain) during the Medieval Warm Period and Little Ice Age. Lécuyer C., Goedert J., Klee J., Clauzel Th., Richardin P., Fourel F., Delgado-Darias T., Alberto-Barroso V., Velasco-Vazquez J., Betancort J.-F., Amiot R., Maréchal C., Flandrois J.-P. Journal of Archaeological Science, 2021.

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