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Actualité de l'ENS de Lyon

Sans lecteurs et sans livres, une bibliothèque se réinvente

Bibliothèque Diderot de Lyon
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Avec la fermeture de l’École, la Bibliothèque Diderot de Lyon s’est retrouvée face à une équation a priori impossible. 

« Sans lecteurs et sans livres, comment faire notre métier » ? Si l’ensemble des personnels et étudiants de l’École ont été confrontés à une situation inédite et souvent complexe avec la fermeture de l’École, la Bibliothèque Diderot de Lyon s’est retrouvée face à une équation a priori impossible. En effet, sans accueil du public, sans possibilité d’accès physique aux livres, les bibliothécaires se voient privés de ce qui fait en temps ordinaires leur raison d’être. Si tout est allé très vite entre les bruissements d’un confinement général et la fermeture effective aux lecteurs, puis aux agents, la BDL a pourtant réussi à mettre en place d’autres modes de fonctionnement pour apporter des services aux lecteurs. Retour d’expérience avec Agnès D’halluin, directrice adjointe de la BDL.

Agnès D’halluin a pris son poste de directrice adjointe en janvier. Mi-mars, au départ de Christine Boyer, elle a été amenée à exercer l’interim de la direction de la bibliothèque, dans l’attente de l’arrivée du nouveau directeur en septembre. La crise sanitaire a fait de cet interim une expérience bien singulière. La semaine qui précède l’annonce du confinement, la première décision de la BDL est de faire sauter les plafonds de prêts aux lecteurs : « Le 13 mars, le record de prêt a été explosé, avec plus de 6000 documents prêtés, à raison de 9 en moyenne par lecteur, se souvient Agnès D’halluin. Et puis après ce vendredi très inhabituel, avec l’équipe de direction, on a passé le week-end à appeler les collègues pour leur dire de ne pas venir le lundi matin. Ensuite il a fallu gérer les situations très complexes et diverses de nos collègues, en même temps que la nécessité de fournir un service, même dégradé, à nos publics. »

Agnès D’halluin souligne les différences de situation qu’il a fallu prendre en compte : une vingtaine de personnes dont le travail à distance était impossible du fait de l’absence d’accès aux documents physiques, d’autres personnes qui ont été sur-sollicitées, dont notamment l’ensemble des personnels en charge de la documentation électronique, dont les accès ont été très largement ouverts à l’occasion du confinement, d’autres qui ont pu adapter au moins partiellement leurs activités à ce contexte de bibliothèque sans lecteurs ni livres. Elle salue le rôle essentiel des encadrants, qui lui ont permis de faire le lien avec les équipes. Avec ses collègues de la communication, elles ont édité un bulletin hebdomadaire, pour maintenir le contact. Elle a aussi eu des points réguliers, avec les représentantes du personnel de la Bibliothèque, qui ont permis de faire remonter les difficultés rencontrées par les collègues. « Bien sûr, certains collègues ont beaucoup (trop) travaillé, bien sûr certains en ont au contraire été empêchés mais ils ont tous répondu présents, que ce soit juste avant ou au début du confinement, ou à son terme, pour préparer la mise en place de services adaptés, dit la directrice adjointe. Et ce, dans un contexte où tout était devenu plus compliqué et plus lent, avec des enfants à l’école à la maison pour beaucoup d’entre eux, sans compter les problèmes d’équipements et de réseau. On a quand même réussi à redégager des priorités, à inventer de nouveaux process et, au final, à travailler sur le sens même de notre métier. Pour nous bibliothécaires qui sommes réputés assez peu flexibles et soumis à des protocoles précis et rigoureux, cela a été l’occasion de faire preuve d’une adaptabilité incroyable. Ces quelques mois nous ont obligés collectivement à repenser nos métiers, en privilégiant toujours le service aux lecteurs. J’ai aussi trouvé auprès des tutelles de la BDL, et de l’École en particulier, une bienveillance et une volonté de faciliter les choses, même si la taille et les spécificités de la BDL rendent nos problématiques parfois difficiles à appréhender. »

Quels services au final ont été mis en place par la BDL ? Après la levée du plafond de prêt à la veille du confinement, la BDL a cherché à maximiser l’accès aux ressources en ligne. Elle a maintenu ses accès électroniques et relayé toutes les informations sur les ouvertures exceptionnelles des accès aux ressources : Cairn, Europresse, Taylor&Francis, Cambridge, Brepols, OpenEditions… Nombreux sont les éditeurs qui ont répondu présent. Puis, dès que possible, malgré les réserves d’ouvrages faites avant le confinement, il a fallu rendre à nouveau possible l’accès aux documents physiques car les corpus constitués avant le 16 mars commençaient à s’épuiser. C’est donc à un nouveau protocole de prêt que les bibliothécaires s’attellent. Naît ainsi le service de « retrait de documents » qui permet aux lecteurs de venir emprunter des ouvrages sur rendez-vous. La BDL est la première bibliothèque à avoir ouvert cette possibilité dans le champ des lettres et sciences humaines sur le site lyonnais. « On a vécu trois semaines complètement folles, dit Agnès D’halluin, avant de lancer concrètement ce service aux lecteurs. Il a fallu réinventer nos protocoles et nos outils, dans un contexte sanitaire où la manipulation des ouvrages devait être totalement sécurisée pour les agents comme pour les lecteurs. On a eu le soutien du SPST pour y parvenir. En parallèle, on a pu reprendre ce qu’on appelle le circuit du livre, c’est-à-dire non seulement les commandes mais aussi la réception et le traitement des ouvrages pour la rentrée prochaine, c’était essentiel aussi pour nos fournisseurs qui étaient très en demande. »

La prochaine grande étape sera bien sûr la réouverture des salles de lecture. Nous sommes aidés par l’organisation spatiale de la BDL qui offre des espaces par lecteur très étendus mais la vraie question à régler, c’est celle de l’accès aux livres en libre-service qui suppose des protocoles sanitaires précis. Là, nous nous concentrons sur les services adaptés et la rentrée, où nous rouvrirons avec les mesures sanitaires et l’information nécessaires.

« Les équipes seront heureuses de retrouver un fonctionnement à plein en septembre, avec des livres et des lecteurs. D’ici là, il y a encore beaucoup à faire… », dit Agnès D’halluin, qui n’est pas près d’oublier sa prise de poste à la bibliothèque.

Elle et l’ensemble de ses collègues de la BDL auront bien mérité la pause estivale !

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