Résumé de la Thèse
L'appellation « jeune Marx » désigne les écrits marxiens, souvent publié à titre posthume, allant de Ia Dissertation doctorale de 1841 aux feuillets éclat dits L'idéologie allemande de 1846. Elle recouvre ainsi Ia période où Marx se réclame de Ia philosophie. Cette première période théorique a jusqu'à aujourd'hui fait l'objet d'une double et presque totale mise à l'écart théorique. D'une part, ces travaux de jeunesse ont été assimilés aux symptômes d'une formation intellectuelle encore incomplète, dont l'idéalisme aurait été dépassé par le matérialisme de Ia maturité. Cette approche était représentée en France d'une manière paradigmatique par Althusser. Elle a cependant aussi caractérisé, d'Engels à Cornu, presque toutes les traditions de lecture marxiste. Si des lectures symétriquement opposées, comme celle de Rubel, identifiant dans les théories du jeune Marx le fondement de son matérialisme à venir, ont inversé le diagnostic, elles n'en ont pas moins rejeté aussi !'approche immanente pour interroger les écrits du jeune Marx seulement dans leur intégration à !'évolution marxienne d'ensemble.
D'autre part, c'est le contexte théorique de développement du jeune Marx, en !'occurrence le contexte jeune hégélien, qui a été mis de côté. II n'a été mobilisé que négativement, servant à Ia mise en relief de l'originalité théorique et politique de Marx. Or, cette période dite de jeunesse est pour Marx une période d'exploration théorique qui demande à être interrogée pour elle-même. De plus, le travail théorique, voire parfois rédactionnel, de Marx dans cette période passe par Ia collaboration et Ia discussion avec des auteurs jeunes hégéliens. On retient généralement de ces collaborations seulement celles avec Engels - dont on oublie qu'il fut jeune hégélien - en masquant celles qui Ia précédèrent ou furent simultanées, avec Bruno Bauer notamment jusqu'en 1842, avec Ruge à Paris, puis avec Hess. Dans cette succession de collaborations et de polémiques, établir une théorie, pour Marx et les autres jeunes hégéliens, implique toujours, d'une part, de se situer par rapport à Hegel, et d'autre part, de se situer par rapport aux autres jeunes hégéliens. Ce double espace référentiel permet d'établir Ia positivité d'un milieu intellectuel jeune hégélien et de Ia participation de Marx à celui-ci. Notre projet consiste par conséquent, non à opposer Marx à !'ensemble des autres jeunes hégéliens dont l'unanimité serait postulée, pour en valoriser l'originalité isolée, mais à retracer les évolutions théoriques de Marx en les situant a l'intérieur des débats qui constituent le jeune hégélianisme. Cette approche doit être appliquée, non seulement à Ia dimension philosophique des textes de « jeunesse » de Marx, mais aussi à ses travaux sur l'histoire, Ia religion, l'économie, Ia société et Ia politique. La « découverte » même de ces trois derniers domaines, généralement identifiée à un congé donné par Marx à Ia philosophie et à l'idéalisme qu'ils laisserait aux jeunes hégéliens, est à expliquer, du moins partiellement, selon une médiation jeune hégélienne. Identifier le contenu et Ia portée théoriques du jeune Marx passe par une lecture génétique et contextuelle du contexte jeune hégélien à l'intérieur desquels les propositions de Marx prennent alors leur sens.
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