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HyperPrince, un site pour le Prince de Machiavel et les recherches en traduction

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Le laboratoire Triangle vient de mettre en ligne le site HyperPrince qui permet de comparer la version princeps du Prince de Machiavel (1532) avec les traductions françaises du XVIe siècle. Subventionné par l’ANR dans le cadre du thème « Guerres 16e-17e S », ce projet a mobilisé deux personnes pendant 4 ans : Jean-Claude Zancarini, professeur émérite d’italien à l’ENS de Lyon, directeur du laboratoire Triangle et responsable du projet, et Séverine Gedzelman, ingénieur scientifique. Rencontre avec Jean-Claude Zancarini pour en savoir plus.

Q : C’est le 500e anniversaire du Prince de Machiavel, traité politique essentiel du XVIe S. Le site HyperPrince apporte sa contribution aux nombreux outils et travaux de recherche qui existent déjà sur cet ouvrage. A quoi sert-il exactement ?
R : HyperPrince est un outil de comparaison. Il s’appuie sur le logiciel HyperMachiavel, conçu et développé par nos soins, qui permet l'alignement et la comparaison de textes ainsi que l'annotation lexicale.
HyperPrince confronte l’édition princeps du Prince, écrite en italien vers 1532, et quatre traductions françaises du 16e S : celles de Jacques de Vintimille (1546), de Guillaume Cappel (1553), de Gaspard d’Auvergne (1553) et de Jacques Gohory (1571). Le choix du Prince n'est évidemment pas le fruit du hasard. Jean-Louis Fournel, chercheur au laboratoire, et moi-même avons une grande intimité avec ce texte, que nous avons traduit et commenté. Quant au texte de Jacques de Vintimille, édité, annoté et introduit par Nella Bianchi Bensimon, il a été mis en ligne par l'ENS Lettres et sciences humaines en 2005 sur la plateforme e-texte.
Ce site est le prolongement d’un long travail de recherche collaboratif entre des chercheurs de Triangle, avec l’appui des services de l’École. Le graphisme a été conçu par ENS Média, et, pour tous les ouvrages cités, Cécile Laube, en charge des activités documentaires à Triangle, a établi un lien avec les fiches bibliographiques SUDOC et la version numérisée des éditions originales.

Q : En quoi cet outil est-il novateur pour les chercheurs ?
R : C'est de notre pratique de traducteurs et de commentateurs qu'est née l'idée d'un outil permettant de comparer un texte avec ses différentes traductions. Le premier objectif est de pouvoir réfléchir – avec l'aide des traductions et au-delà de l'apparente évidence d'un texte – à la complexité même du texte d'origine. Toute traduction est une lecture du texte. Comparer le document original, dans sa langue originale, à différentes traductions permet de mieux comprendre le texte source et ses ambiguïtés. L’usage du lexique montre les termes qui posent des problèmes car ils peuvent être traduits de différentes manières. C’est un moyen de repérer une complexité, une« tension du sens ». A l’inverse, c’est aussi un moyen de voir une fausse difficulté. Comme le terme « virtu » que l’on dit souvent intraduisible. Or, dans nos quatre textes, « virtu » est presque toujours traduit par « vertu », par référence au sens latin.

Q : Comment fonctionne ce va-et-vient entre les versions ?

R : Pour tous les chapitres du Prince, le site propose le texte princeps et met en parallèle la traduction correspondante dans chacune des quatre versions. Un travail d'annotation et de mise en relation des expressions italiennes et françaises a aussi été effectué. Pour chaque mot choisi, le logiciel renvoie à toutes ses occurrences dans les quatre traductions. La navigation fonctionne dans les deux sens : de l’italien au français et du français à l’italien. C’est une base complète pour étudier les notions politiques chères à Machiavel et en analyser les effets !

Q : Vous parliez tout à l’heure du premier objectif d’HyperPrince, réfléchir à la complexité du texte d’origine. Quel est l’autre ?

R : HyperPrince permet aussi de réfléchir à l’acte même de traduire. Comment, à partir du même texte, arrive-t-on à des traductions différentes, avec des principes de traduction différents ? Avant La Pléiade et Du Bellay, le traducteur est lié à l’original. Après, la méthode de traduction change : le traducteur a le droit de retraduire le texte source pour faire comme si l’auteur l’avait écrit en français. Ce sera encore plus vrai lorsque nous ajouterons au corpus la traduction d’Amelot de la Houssay (datée du 17e S). Avec les traductions que nous proposons, les deux méthodes coexistent.

Q : Voilà de quoi fournir une base pour de nombreux travaux à venir !

R : C’est bien le but ! HyperPrince est en libre accès et le logiciel HyperMachiavel a été développé sous Open Access. Tous ceux qui sont intéressés peuvent y accéder. Avec une adaptation possible : HyperMachiavel permet n’importe quelle comparaison entre différentes versions d’un même texte, quelle que soit la langue. Peut-être même - qui sait ? - qu’il permettra d’établir de nouvelles éditions critiques…

Pour en savoir plus, consultez HyperPrince : http://hyperprince.ens-lyon.fr/