Publication du Laboratoire de physique dans la revue Science du 4 janvier 2019.
Communiqué de presse national du CNRS.
En étudiant les déplacements de coureurs au départ de marathons, des chercheurs du Laboratoire de physique (CNRS, l’ENS de Lyon et Université Claude Bernard Lyon 1) viennent de montrer que les mouvements collectifs de ces foules peuvent être décrits comme des écoulements liquides. Leurs résultats leur permettent de prédire comment les fluctuations de vitesse et de densité se transmettent au travers des foules massives. Ainsi, les flux observés avant une course à Chicago en 2016 ont permis de prédire celui de milliers de coureurs face au départ du marathon de Paris en 2017.
Pour la production de séquences numériques ou la conception de grandes structures accueillant du public, il peut être nécessaire de simuler précisément les mouvements et le comportement d’une foule. Mais prédire quantitativement la dynamique collective d’un groupe en réponse à des stimulations externes reste encore un problème largement ouvert, basé principalement sur des modèles où les actions de chaque individu sont simulées selon des règles comportementales empiriques. Il n’existait jusqu’à maintenant aucun modèle physique testé expérimentalement qui décrive l’hydrodynamique d’une foule sans présupposer de règles comportementales.
De récents travaux de chercheurs du Laboratoire de Physique présentent une première équation de ce genre, déduite d’une campagne de mesures conduite sur des foules rassemblant plusieurs dizaines de milliers d’individus. Les physiciens se sont intéressés aux cohortes de coureurs au début d’un marathon, lorsqu’ils sont guidés jusqu’à la ligne de départ. Un cordon d’organisateurs guide les coureurs par des séquences successives de marche et d’arrêt. Ce protocole fournit une perturbation périodique et contrôlée analogue aux stimulations typiquement utilisées pour sonder la réponse mécanique des fluides.
De façon tout à fait remarquable, le comportement des groupes varie très peu d’une assemblée de coureurs à une autre, d’une course à une autre, mais aussi d’un pays à un autre, avec une information sur la vitesse se propageant constamment à un peu plus d’1 m/s. Les chercheurs ont pu établir une description générique des écoulements de ces foules, capable de prédire exactement d’autres écoulements : ainsi, les flux observés avant une course à Chicago en 2016 ont permis de prédire celui de milliers de coureurs au départ du marathon de Paris en 2017.
En analysant les images prises avant le départ de cinq courses par des techniques standards en mécanique des fluides, les chercheurs ont mesuré à chaque instant la vitesse de la foule, décrite comme un liquide en écoulement. Leurs résultats montrent que l’information sur la vitesse à suivre se propage sous forme d’ondes sur plusieurs centaines de mètres vers l’arrière du groupe, sans perte d’intensité. À l’opposé, toute modification de la trajectoire du mouvement de la foule se dissipe rapidement en ne se diffusant que sur quelques mètres à peine dans la foule. En résumé : l’information sur la vitesse de déplacement se propage sans difficulté dans ce fluide, au contraire de l’information sur l’orientation.
Les physiciens veulent maintenant étudier la réponse de groupes d’individus à des perturbations extrêmes afin de tester les limites de leur description hydrodynamique des foules.
Source : Dynamic response and hydrodynamics of polarized crowds. Nicolas Bain et Denis Bartolo. Science, 4 janvier 2019. DOI : 10.1126/science.aat9891
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