Au tournant du XVIe siècle, l’apparition d’une nouvelle rationalité transforme la façon de penser la politique. Envisageant l’ensemble des interactions sociales à partir d’une logique de rapport de force, elle en vient à légitimer l’emploi récurrent des stratégies de tromperie dans l’exercice courant du pouvoir. Si le principal ouvrage derrière ce bouleversement du champ politique est bien connu de tous, le Prince de Machiavel, l’ensemble des œuvres ayant contribué à l’élaboration de ces stratégies – comme la simulation, la dissimulation, la discrétion, la précaution, l’ingéniosité, l’inventivité et la prudence – est sûrement moins célèbre. En se plongeant dans ces différentes sources, on découvrira alors que cette théorisation des pratiques de tromperie ne s’est pas limitée aux actions du gouvernant, mais qu’elle s’est au contraire développée également du côté du particulier, dans le cadre de sa propre réussite sociale et de sa protection, de sorte qu’elle constitue bien une forme de politique de l’individualité. Ce pourquoi il ne s’agit pas simplement ici d’une analyse historique des stratégies de tromperie dans l’exercice du pouvoir au sens étroit du terme, compris comme synonyme de l’action gouvernementale dans sa matérialité brute, mais une étude qui cherche à appréhender les multiples représentations de la tromperie (littéraires, picturales, symboliques), et ce afin de mettre en lumière la manière dont s’est constituée à la Renaissance l’anthropologie d’une société dynamique, conflictuelle, où règnent en maître les multiples expressions de la ruse. C’est au travers de l’expérience du rire et de ces nombreuses représentations du monde comique que cette anthropologie se révèle au grand jour, avant d’être ensuite reprise et réinterprétée de façon « sérieuse » par les différents auteurs du XVIe siècle. C’est donc cet horizon commun auquel il faudra s’adresser si on veut comprendre comment cette nouvelle rationalité politique s’est formulée.
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