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La stèle, les mousses et le lierre. Questionner le minéral dans le paysage funéraire de la métropole lyonnaise.

Date
Jeudi 25 septembre 2025
Horaires

13h30

Lieu(x)

D2-128

Intervenant(s)

M. Louis DALL'AGLIO du laboratoire EVS, sous la direction de Messieurs LE LAY et LASLAZ (codirection)

Langue(s) des interventions
Description générale

Résumé de la thèse

Intérêt et positionnement

Ce travail de thèse part d’un double constat. Le premier est celui d’un manque, dans la production scientifique, de travaux consacrés à la situation des cimetières français. Si les travaux récents de Camille Varnier (2020) ou d’Emmanuelle Petit (2012) ont mis en lumière le rôle social et politique fort que peuvent jouer les cimetières à l’échelle de l’espace communal, peu de travaux ont été consacrés aux aspects environnementaux de la gestion des cimetières ; ce projet se nourrit donc de l’abondante littérature anglophone consacrée à cet aspect de l’espace funéraire.

Le second constat qui justifie ce travail est celui d’un certain nombre de transformations qui ont affecté les cimetières français au cours des vingt dernières années. Celles-ci ont tant trait aux pratiques funéraires qu’aux pratiques de gestion, administratives comme techniques. D’un côté, le développement de la crémation et des crématoriums, l’écologisation des pratiques et des imaginaires et l’évolution des croyances rituelles et religieuses mènent à l’émergence de nouvelles façons de disposer des défunts, que les cimetières et ceux qui les gèrent se trouvent mis en demeure d’accueillir, d’adapter ou de refuser. De l’autre, l’évolution des pratiques de gestion des espaces verts en ville, en particulier l’abandon des produits phytosanitaires à partir de 2016, a profondément affecté le travail des agents des services techniques, et invité le vivant dans un espace autrefois dédié à la mort.

La posture adoptée dans le cadre de ce travail de thèse est donc une posture de géographie de l’environnement en cadre urbain, sensible à la variation, dans l’espace, de la manifestation de la nature, sous toutes ses formes, et dont l’objectif reste d’interroger les raisons et les formes de cette manifestation – pourquoi ici plutôt que là ? Pourquoi ainsi, et pas autrement ?. Dans le cadre urbain, cette géographie s’intéresse particulièrement à la façon dont la nature est produite, contrôlée ou encouragée au sein d’un espace historiquement construit autour de l’idée de séparation entre nature et culture, entre campagne et ville.

Ville dans la ville, le cimetière français fait également l’objet d’une forte minéralisation au cours du XXe siècle. Depuis une vingtaine d’années, la reconsidération de la place que l’espèce humaine occupe au sein de son environnement, dans lequel elle est prise (embedded, du mot de Timothy Morton (2018)) a amené au développement de pratiques nouvelles, du côté des usagers comme des gestionnaires. Du côté des gestionnaires, ces pratiques participent d’une évolution de la perception de la place accordée à la nature en ville. Longtemps rejetée hors les murs, ou conservée figurativement, la nature est aujourd’hui envisagée comme ayant droit de cité, en raison des services qu’elle rend : dépollution de l’air, rafraichissement de la ville, bienfaits pour la santé mentale… (Yengué et Robert, 2021). Ce changement de paradigme implique une évolution des pratiques d’entretien et de production de la nature en ville, et donc, au cimetière, ce qui pose la question de la capacité des espaces funéraires à devenir et à être des espaces de nature au sein de la ville, et à rendre les services qui sont attendus en termes de bienfaits environnementaux et sociaux. L’importation au cimetière de nouvelles méthodes d’entretien, visant à introduire le « vivant », figure contemporaine de la nature urbaine (Ernwein, 2019) entre en contradiction avec les pratiques héritées qui promouvaient une séparation nette, au sein de l’espace funéraire, entre les espaces de nature et les espaces du deuil. Le brouillage de cette séparation est parfois vécu par les usagers comme un manque de respect envers les morts. Derrière les pratiques, c’est donc une opposition entre deux anthropologies que provoque l’évolution des pratiques d’entretien du cimetière. A l’échelle de la ville, la place des morts est également à interroger en termes de foncier, de place disponible, et de choix des lieux d’installation des espaces de la mort. Du côté des usagers, la prise d’importance contemporaine de la crémation, l’émergence de nouvelles pratiques (dispersion en pleine nature, urnes biodégradables) et de rapports plus écologiques à la mort (Barnett, 2017) pose la question de l’adaptation de l’espace du cimetière à ces évolutions, d’un point de vue spatial et légal. Comment faire une place, figurée et réelle, à ces nouvelles pratiques ?

Objectifs et méthodes

Le but de cette thèse est donc l’étude de la façon dont l’évolution de la prise en compte de l’environnement dans un cadre urbain, du côté des usagers comme des gestionnaires et des producteurs d’espace, transforme la façon dont les cimetières sont aménagés, entretenus et appropriés. Le terrain choisi est celui de la métropole lyonnaise, qui concentre des situations très différenciées en termes d’ancienneté des cimetières, d’échelle de gestion et d’intégration des nouvelles méthodes d’entretien.

Trois axes de recherche, chacun porté par une méthodologie différente, se dégagent  :

  • Transformer les espaces funéraires : comment les principes de l’écologie urbaine sont-ils appliqués dans les espaces funéraires ? Peut-on évaluer leur capacité à offrir un certain nombre de services écosystémiques, et la pertinence de leur entretien en tant qu’espaces de nature ? 
  • Produire les espaces funéraires : la création de nouveaux cimetières se fait dans des cadres légaux et architecturaux nouveaux (intercommunalité, délégation de service public, prise en compte plus grande des espaces de nature au sein du cimetière). Comment sont gérés les cimetières intercommunaux ? Comment le travail se répartit-il entre commune d’implantation et intercommunalité ? Quels problèmes sont rencontrés lors du choix des sites d’implantation ? 
  • Contrôler les espaces funéraires : comment l’espace légal du cimetière est-il produit ? Comment le droit s’adapte-t-il ou non à l’évolution des pratiques ? Comment cet outil est-il mobilisé par les municipalités pour gérer leurs cimetières ?

La méthodologie mobilisée se déploie donc, par effet de miroir, en trois axes : 

  • une approche par les méthodes de l’écologie urbaine, afin d’étudier l’impact des processus de labellisation sur les cimetières lyonnais et des formes différentes prises par les cimetières. Cette analyse se fondera sur l’étude des inventaires faunistiques et floristiques réalisés par la Ligue de Protection des Oiseaux, par l’étude de photographies aériennes et des relevés sur site, et sur des entretiens avec les équipes municipales affectées à l’entretien de ces espaces.
  • une approche par des méthodes mixtes visant à objectiver l’état actuel de la production artistique, technique et architecturale dans le champ funéraire (constitution de corpus à partir des catalogues de marbriers et de pompes funèbres, corpus photographique sur les jardins du souvenir) ;
  • une approche par les concepts de la géographie du droit visant à comprendre comment le droit fait le cimetière, et comment le cimetière défait le droit (analyse des règlements intérieurs, travail sur les illégalismes au cimetière).

Gratuit

Mots clés

Disciplines