Mme Maïlys GENOUEL, du laboratoire EVS, sous la direction de M. Yves-François LE LAY.
Résumé de la thèse
Cette thèse traite de la pollution, définie comme une matière qui n’est pas à sa place, dans le prolongement des travaux de Mary Douglas sur la souillure et des réflexions des discard studies. Elle est pensée à l’interface entre deux risques, les inondations et les pollutions, dans un double contexte de changements environnementaux et d’urbanisation. L’objectif est de comprendre dans quelle mesure les matières déplacées par les inondations hors des réseaux métaboliques urbains sont (re)connues comme des pollutions et envisagées comme un problème social. Ainsi, il s’agit de questionner les contours de ces pollutions dues aux inondations, de mieux comprendre leur anticipation et leur gestion, tout en prenant en compte la façon dont les populations sinistrées « vivent avec » les risques. Une approche comparative entre la France et le Québec a été mise en œuvre, en portant la focale sur les villes récemment inondées de Québec, de Marseille ainsi que sur huit communes de la région montréalaise (Rigaud, Vaudreuil-Dorion, Sainte-Marthe-sur-le-Lac et Laval) et de la région parisienne (Corbeil-Essonnes, Longjumeau, Villeneuve-Saint-Georges et Nemours). Trente entretiens semi-directifs ont été menés auprès de scientifiques, trente-cinq auprès de gestionnaires et soixante-trois auprès de personnes sinistrées en Île-de-France et à proximité de Montréal. Plus de 1 600 articles issus de la presse quotidienne et 98 photographies liées aux pollutions causées par des inondations urbaines ont également été collectés. Ces données ont été analysées avec des méthodes mixtes, entre quantitatif (analyse de contenu et textométrie via TXM et IRaMuTeQ) et qualitatif (extraction de citations). Les résultats mettent en lumière une diversité de pollutions causées par les inondations, même si ce problème social reste peu publicisé. Face à ces risques, les discours et les pratiques sont contrastés. D’un côté, les scientifiques et les gestionnaires expliquent comment la gestion des pollutions par les acteurs publics est réalisée dans l’urgence, sans être intégrée à des politiques en lien avec l’aménagement ou les risques d’inondation. D’un autre côté, les sinistrés décrivent avec émotion les conséquences des pollutions, alors que la charge de ce « commun négatif » leur revient, entraînant alors des injustices environnementales. Ces pollutions peuvent être ignorées ou utilisées, au nom de la résilience, pour maintenir un métabolisme urbain identique à celui présent avant la crise. Le rôle de ce dernier dans la production de pollutions comme dans l’intensification des changements environnementaux globaux n’est pas remis en question.
Gratuit
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