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Actualité de l'ENS de Lyon

Bloquer le système d’abordage des toxines de staphylocoques sur les phagocytes pour traiter les infections à staphylocoques multi-résistants

Thomas Henry au lecteur de fluorescence, laboratoire de l'équipe Inflammasome, Infections bactériennes et autoinflammation, Inserm/Patrick Delapierre
Communiqué de presse / Publication
 

Publication des travaux du CIRI dans la revue Nature Microbiology. 

Le staphylocoque doré cause une grande diversité de maladies, de bénignes à mortelles, en fonction des individus. Les raisons de cette différence de virulence ne sont pas très connues, et surtout l’émergence de staphylocoques résistants aux antibiotiques et l’absence de vaccin en font un problème grandissant en termes de santé publique.

L’organisme dispose pourtant de cellules pour se défendre des invasions à staphylocoques : en première ligne, les phagocytes, des cellules du système immunitaires capables de détecter, d’avaler et de digérer les bactéries et de déclencher une réponse immunitaire efficace permettant d’arrêter l’infection. Pour contrer ce système de défense, les staphylocoques sécrètent tout un arsenal de facteurs de virulence dont certaines (les toxines formant des pores) créent des trous dans la membrane des phagocytes, qui se vident de leur contenu et meurent. Le résultat de cette lutte entre phagocytes et staphylocoque conditionne l’issue de l’infection.

Cette lutte est le sujet d’étude d’un travail récemment publié dans Nature Microbiology qui a été réalisé conjointement par l’équipe de Thomas Henry, chercheur Inserm au CIRI, et une équipe néerlandaise. Ils ont identifié une protéine de surface du phagocyte (CD45) qui permet l’accrochage d'une toxine sur les phagocytes. L’existence de différentes formes de CD45 pourrait ainsi contribuer expliquer la différence de virulence d’une même souche de staphylocoques entre les individus. Cette molécule pourrait aussi se révéler être une nouvelle cible thérapeutique de choix pour lutter contre les infections résistantes aux antibiotiques.

Thomas Henry au lecteur de fluorescence, laboratoire de l'équipe Inflammasome, Infections bactériennes et autoinflammation, Inserm/Patrick Delapierre
Thomas Henry au lecteur de fluorescence, laboratoire de l'équipe Inflammasome, Infections bactériennes et autoinflammation - © Inserm/Patrick Delapierre

Les auteurs de cette étude se sont intéressés à deux toxines majeures du staphylocoque doré, que l’on pensait très similaires, appartenant toutes deux à la famille des leukocidines, des toxines à deux composantes. Le modèle couramment admis était que le composant dit S se liait à un récepteur sur le phagocyte et recrutait le second composant dit F, ce qui aboutit à la formation de pores. La toxine PVL était notamment soupçonnée de jouer un rôle important dans la pathologie chez l’homme, mais il n’était pas possible de l’étudier chez la souris, dont les phagocytes ne possèdent pas le récepteur à son composant S (récepteur humain du complément C5a, hC5aR1). Pour y remédier, les chercheurs ont fait exprimer à des souris hC5aR1 qui est non seulement le récepteur du composant S de PVL mais aussi celui d’une autre toxine (HlgCB) souvent coexprimée avec PVL, mais que l’on pensait être moins importante dans la virulence. Les staphylocoques exprimant ces toxines se sont alors développés 10 à 100 fois mieux dans ces souris modifiées pour mieux mimer l'infection chez l'homme que dans les souris normales, confirmant l’importance de ces toxines dans la virulence du Staphylocoque doré pour l'homme.

En y regardant de plus près, ils ont cependant constaté que cette augmentation de virulence était liée uniquement à la toxine HlgCB et non à PVL, comme ils s’y attendaient, suggérant que ces deux toxines sont plus différentes qu’on ne le pensait. En réalisant un crible CRISPR sur des phagocytes humains, ils ont alors identifié un nouveau récepteur de PVL, le CD45 humain, un récepteur abondamment exprimé sur les cellules immunes. Cependant, contrairement au modèle établi, ce récepteur n’interagit pas avec le composant S de cette leukocidine, mais avec le composant F, ce qui est particulièrement original. Ils ont confirmé l’importance biologique de ce second récepteur en ajoutant ce CD45 humain dans des cellules murines comprenant hC5aR1, ils ont alors pu observer un effet plus important de PVL. Ces travaux démontrent donc comment cette toxine PVL du staphylocoque doré utilise 2 points d'ancrage spécifique (hC5aR1 et CD45) pour cibler et tuer avec une très forte efficacité les phagocytes, les cellules antibactériennes principales de l'homme.

Identifier ainsi de nouvelles molécules clés dans la guerre que livrent les staphylocoques aux phagocytes par l’intermédiaire de leurs toxines pour percer les défenses de l’organisme est un premier pas pour mettre au point de nouvelles thérapeutiques.

Source : Human CD45 is an F-component-specific receptor for the staphylococcal toxin Panton–Valentine leukocidin, Angelino T. Tromp, Michiel Van Gent, Pauline Abrial, Amandine Martin, Joris P. Jansen, Carla J. C. De Haas, Kok P. M. Van Kessel, Bart W. Bardoel, Elisabeth Kruse, Emilie Bourdonnay, Michael Boettcher, Michael T. McManus, Christopher J. Day, Michael P. Jennings, Gérard Lina, François Vandenesch, Jos A. G. Van Strijp, Robert Jan Lebbink, Pieter-Jan A. Haas, Thomas Henry & András N. Spaan. Nature Microbiology volume 3, pages708–717 (2018) doi:10.1038/s41564-018-0159-x

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