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Actualité de l'ENS de Lyon

Les animaux du Cambrien montrent leurs muscles

Représentation artistique de cnidaires primitifs
Actualité / Publication
 

Publication du LGL-TPE dans la revue eLife le 31 janvier 2022. Communication du CNRS-INSU du 11 février 2022.

Les premiers animaux apparaissent au cours de la transition Précambrien-Cambrien et se diversifient rapidement au début du Cambrien (env. 540-520 Ma) donnant naissance aux grandes lignées actuelles (ex : les arthropodes). Des fossiles à préservation exceptionnelle (Chine, Canada, Australie, Groenland) nous permettent de reconstituer leur anatomie. Mais que sait-on exactement des autres aspects de leur biologie tels que leurs comportements et leur capacité à se déplacer dans leur environnement ?

La locomotion des animaux actuels est générée par des fibres d’actine et de myosine dont la contraction est régulée par un neurotransmetteur. Nous avons pu mettre en évidence des fibres musculaires chez des cnidaires vieux de 535 millions d’années, découverts en Chine dans la Province de Shaanxi. Il s’agit des lointains ancêtres des méduses actuelles dont les structures corporelles ont été parfaitement conservées grâce à la minéralisation de leurs tissus en phosphate de calcium, juste après leur mort. Ces fossiles montrent un réseau de fibres concentriques très semblable à celui des méduses actuelles comme le confirment les études comparatives réalisées par Lucas Leclère (Laboratoire de Biologie du Développement à l’Institut de la Mer de Villefranche-sur-mer, co-auteur de l’article). Ces fibres seraient ainsi formées de cellules myoépithéliales. Toutefois leur rôle n’était pas de propulser l’animal à travers la colonne d’eau comme chez les méduses actuelles mais plutôt de produire des contractions permettant la capture de nourriture. Il s’agit du plus ancien système musculaire connu chez les animaux.

En parallèle, nous nous sommes intéressés aux muscles présents chez d’autres animaux du Cambrien, notamment certains vers et les précurseurs des arthropodes, les lobopodiens. Leur système musculaire était fondamentalement différent de celui des méduses et principalement constitué de fibres circulaires et longitudinales tapissant le corps de l’animal.  Ces muscles exerçaient une pression sur le fluide interne de l’organisme, à l’image d’un ballon de baudruche rempli d’eau que l’on pincerait. Ils permettaient à l’animal de se mouvoir et notamment de fouir le sédiment. Ce système locomoteur est très différent de celui des arthropodes qui apparaissent plus tard au Cambrien dont les muscles relient les éléments articulés de leur squelette externe.

En résumé, ces recherches montrent que la diversification des systèmes musculaires au début de Cambrien a joué un rôle fondamental dans la mobilité des premiers animaux, leur permettant de coloniser de nouveaux espaces à la fois dans la colonne d’eau et le sédiment mais aussi d’associer la locomotion à de multiples activités vitales comme la recherche de nourriture ou des comportements de fuite.

Figure
Matériel fossile étudié provenant de la base du Cambrien (Formation de Kuanchuanpu ; env. 535 Ma) de Chine (Shaanxi). Ce sont des cnidaires de forme sphérique avec une ouverture orale. © J. Vannier

Illustration : Représentation artistique des cnidaires primitifs étudiés. La forme sphérique pouvait se contracter via des muscles circulaires permettant ainsi la capture de nourriture. © J. Vannier.


Référence : Muscle systems and motility of early animals highlighted by cnidarians from the basal Cambrian. Xing Wang, Jean Vannier, Xiaoguang Yang, Lucas Leclère, Qiang Ou, Xikun Song, Tsuyoshi Komiya, Jian Han. eLife, 31 janvier 2022.
DOI : https://doi.org/10.7554/eLife.74716

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