Désignant à la fois un état émotionnel et un processus temporel, le deuil caractérise paradoxalement le déchirement de la perte autant qu’il problématise la perspective d’une guérison. Si en littérature, l’incarnation de la douleur et des réminiscences endeuillées se décline traditionnellement sous une forme poétique ou (auto)biographique, la fiction semble constituer un espace de croisements entre élégie et mémoires de deuil. Afin d’identifier la spécificité de l’écriture fictionnelle au cœur de ces entrelacs génériques, la thèse examine le langage du deuil dans le roman contemporain comme une poétique de l’émotion intime, qui redéfinit le lyrisme élégiaque. L’analyse de la blessure métaphorique de la perte, à la fois marque de rupture et de relation à autrui, entre en dialogue avec les champs théoriques de la vulnérabilité et du trauma. Cette exploration des représentations fictionnelles du deuil s’appuie sur un corpus composé de quatre ouvrages britanniques et deux romans irlandais, publiés entre 1987 et 2012 : The Child in Time (Ian McEwan), The Photograph (Penelope Lively), The Sea (John Banville), The Gathering (Anne Enright), Wish You Were Here (Graham Swift), et Artful (Ali Smith). L’étude de ces récits de deuil contemporains s’articule autour de la métaphore du tombeau ouvert, alliant les figures de la composition poétique ou musicale et du monument funéraire, pour analyser le processus de deuil, mais aussi la mise en mémoire des défunts. Entre l’horizon consolateur de l’élégie traditionnelle et l’anti-élégie mélancolique, le tombeau ouvert vient tracer une voie médiane, qui interroge la possibilité, la portée éthique et la temporalité d’une guérison de l’endeuillé.
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