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HISF5101 : Les sociétés africaines et le monde : une histoire connectée (1900-1980)

HISF5101 : Les sociétés africaines et le monde : une histoire connectée (1900-1980)

African societies and the World : a connected history (1900-1980)

Responsable(s) :
  • Frederic Abecassis
  • Claire Fauchon
Enseignant(s) :
  • Pascale Barthelemy

Niveau

M2

Discipline

Sciences sociales

ECTS
4.00
Période
1e semestre
Localisation
Site Descartes
Année
2022

Public externe (ouverts aux auditeurs de cours)

Informations générales sur le cours : HISF5101

Content objectif

Le programme envisage l’histoire des sociétés africaines dans leurs connexions avec le monde, à travers leurs acteurs et leurs actrices. Il ne s’agit pas de s’intéresser à l’histoire des États et de leurs relations mais aux Africains et Africaines, à leurs mobilités et aux liens qu’ils et elles tissent au-delà de leurs sociétés, soit sur le continent africain lui-même, soit en dehors. Si le sujet implique de connaître l’histoire des colonisations et décolonisations, il ne s’y limite pas. Colonisations et décolonisations ne sont considérées que pour leurs effets sur les connexions et les liens transnationaux mais elles n’en épuisent pas l’histoire. Bien plus, le sujet invite à sortir du face-à-face entre colonisateurs et colonisés. Il s’agit d’étudier les relations des Africaines et des 

Africains au monde, de cerner comment ils les redéfinissent et les reconfigurent pendant la période coloniale, puis au moment des décolonisations et enfin lors des premières décennies qui suivent les indépendances.

En 1900, sauf exceptions notables (Éthiopie, Liberia, Maroc, Tripolitaine et Cyrénaïque), le continent africain est presque entièrement passé sous la domination d’empires coloniaux européens. Leurs atrocités font alors l’objet d’une médiatisation qui transcende les frontières, depuis les massacres de la colonne Voulet-Chanoine au Niger en 1899 jusqu’au génocide des Nama et des Herero au Sud-Ouest africain allemand entre 1904 et 1907, en passant par la Guerre anglo-boer entre 1899 et 1902. En 1900 se tient également à Londres la première conférence panafricaine, à l’initiative d’acteurs de la diaspora des Caraïbes et des États-Unis. Si la décennie 1900 parachève l’appropriation territoriale et la mise sous tutelle des sociétés africaines, elle voit aussi naître les premières formes de mobilisation et d’expression qui permettent de faire entendre leurs voix, encore isolées, sur le continent et au-delà.

La première Guerre mondiale fait franchir un seuil quantitatif aux mobilités, par l’enrôlement de soldats et de travailleurs africains en Europe, avant que la Seconde Guerre mondiale ne réactive les mobilisations contraintes liées aux temps de guerre. Dans l’entre-deux-guerres, des mouvements politiques et culturels se sont organisés de façon connectée, soit qu’ils se développent dans les diasporas (comme dans les milieux émigrés en Europe), soit qu’ils se rattachent à des institutions et des courants mondiaux et transnationaux (SDN, BIT, communisme, socialisme, syndicalisme, Églises), soit encore qu’ils puisent dans des référents culturels transcendant les frontières (panafricanisme, panarabisme, panislamisme, négritude).

Toutes ces tendances se renforcent après 1945. L’histoire de l’Afrique suit alors l’évolution globale. D’une part, dans le sillage de la création de l’ONU, la mondialisation s’accentue. D’autre part, de nouveaux liens se constituent à l’échelle du continent lors des indépendances, en particulier entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne ou dans le cadre de l’OUA. Le sujet enjambe volontairement la coupure des indépendances politiques, survenues entre 1956 et 1966 dans la majeure partie du continent. Les luttes de décolonisation, parmi lesquelles la Guerre d’indépendance algérienne joue un rôle majeur, renouvellent les relations intra-continentales.

Avec les indépendances s’ouvre l’ère des expérimentations politiques et sociales dans un contexte de Guerre froide, tandis qu’une effervescence culturelle accompagne le sentiment d’une liberté reconquise (Festival des Arts nègres à Dakar en 1966 et à Lagos en 1977 ; festival panafricain à Alger en 1969 ; festivals de cinéma africain à Ouagadougou à partir de 1969, par exemple). Les années 1968, appréhendées dans leur dimension globale par l’historiographie la plus récente, constituent un moment particulier pour un programme dont le terme coïncide avec l’indépendance du Zimbabwe, en 1980.

Les mobilités établissent des connexions entre des mondes sociaux divers et produisent en retour des effets politiques et culturels puissants sur les sociétés africaines. Externes ou internes au continent (vers les grandes villes, les bassins miniers ou les zones de production de cultures d’exportation, par exemple), ces mobilités concernent une gamme variée d’acteurs (militaires, étudiants, militants, travailleurs, clergés, avocats, enseignants, médecins, diplomates, sportifs et artistes). Elles peuvent être subies dans le cadre de la domination coloniale : exils liés aux répressions politiques ; incarcérations et déportations ; déplacements forcés de populations et pratiques de villagisation ; mobilisations militaires. Elles peuvent aussi être choisies, voire instrumentalisées quand il s’agit de relations tissées au profit de luttes politiques, au sein du mouvement communiste, par exemple ; ou encore à partir des instances internationales dont le droit et les principes peuvent être utilisés.

Si les dimensions politiques et culturelles des connexions sont les plus évidentes, ces dernières seront également saisies au prisme de l’environnement, des échanges économiques, du travail, du droit et de ses principes, des religions et de leurs institutions, de la santé publique, de l’information, du genre et de la vie privée. Avec la mondialisation circulent non seulement les hommes et les femmes mais aussi des objets et des produits de consommation, des idées et des croyances, des pratiques sociales et culturelles, et des principes juridiques qui sont l’objet d’appropriations diverses et d’ancrages locaux. En revanche, les représentations de l’Afrique et des Africains sur des supports culturels produits en Occident (imagerie coloniale, expositions, cinéma, littérature ou ouvrages savants) sont exclues du sujet.

Le programme embrasse l’ensemble du continent africain et toutes les instances, à diverses échelles (nationales, coloniales, impériales, internationales ou transnationales), avec lesquelles les femmes et les hommes du continent entrent en contact. Par « Africaines » et « Africains », on entend a priori les populations autochtones, sans toutefois gommer la complexité des identités. En effet, ni le statut juridique (sujet/citoyen) ni l’appartenance raciale ne suffisent à définir les actrices et les acteurs des sociétés africaines : les métis sont d’évidence à considérer, de même que les Européens durablement installés en Afrique, voire natifs du continent. Le cas des Afrikaners d’Afrique du Sud qui se construisent une identité politique de « nation africaine », comme celui des Français installés au Maghreb ou encore celui des populations non Africaines arrivées sur le continent pendant la période coloniale (Indiens en Afrique du Sud ou de l’Est, Syro-libanais en Afrique occidentale) seront pris en considération comme, plus tard, les coopérants.

Ce programme d’histoire connectée invite candidates et candidats à varier les focales : en suivant les acteurs (leaders des mouvements d’émancipation nationale, activistes, syndicalistes, militants politiques, etc.) dans leur parcours de formation, souvent international et transcontinental ; en repérant les instances internationales (SDN, ONU, UNESCO, OUA etc. ) et les associations, comités ou organisations au sein desquelles ces acteurs puisent des ressources et tissent des réseaux ; en analysant la manière dont les discours et les répertoires d’action mis en oeuvre trouvent un ancrage dans les sociétés africaines. Les espaces, comme les villes, les évènements et les arènes de connexion (comités, institutions, réseaux, associations…) sont autant de points d’entrée dans le sujet.

Inspiré par une historiographie largement renouvelée dans les dernières décennies, ce programme invite à explorer des sources primaires variées : journaux, revues, manifestes, tracts, discours, etc. De nombreuses autobiographies de leaders politiques, d’intellectuels ou d’artistes sont en outre disponibles en traduction française. On s’attachera également aux sources non textuelles : photographies, chansons, caricatures, affiches, etc.

Le rapport au monde des Africains et Africaines apparaît directement ou indirectement à plusieurs niveaux dans les enseignements du Secondaire. L’Afrique française au début du XXe siècle est au programme de Première. En Première technologique un des sujets illustrant cette thématique est « vivre à Alger au début du XXe siècle ». La participation des Africains aux Guerres mondiales est inscrite dans les programmes de Première. L’Afrique est aussi présente dans les programmes portant sur la Guerre froide en Troisième et en Terminale. Elle est également au coeur des thèmes consacrés aux indépendances en Troisième, en Terminale générale et technologique ainsi que dans le programme de spécialité HGGSP de Première, à travers l’analyse de la démocratie, de la francophonie et surtout de l’étude des divisions politiques du monde à travers le thème des frontières. Enfin les Africains sont incontournables dans le thème 2 de Terminale portant sur « La multiplication des acteurs internationaux dans un monde bipolaire (1945 au début des années 1970) », à travers notamment deux chapitres évoquant les débuts d’un nouvel ordre mondial et une nouvelle donne géopolitique : bipolarisation et émergence du tiers-monde.