Initié en 2018, le séminaire OSS repose sur le constat que la catégorie d’« ordinaire » est de plus en plus mobilisée par les sciences sociales et historiques depuis une vingtaine d’années. Il vise à explorer ce renouveau notionnel en mettant au travail, et à l’épreuve, « l’ordinaire » tant comme plan de coupe empirique dans le monde social et ses manifestations, que comme catégorie d’analyse et déplacement du regard. Après une première année consacrée à la radiographie des usages, vertus et limites de la notion dans différentes disciplines, le séminaire s’est centré depuis 2019 sur le « mouvement des gilets jaunes » : celui -ci offre en effet un cas saisissant d’articulation de l’ordinaire (acteurs, lieux, origines du mouvement, primes doléances) et de l’extraordinaire (ampleur, radicalité, durée, modalités d’action, élargissement des revendications).
Après deux années consacrées principalement à l’étude des trajectoires de protagonistes du mouvement, puis deux années dédiées à la manière dont les intellectuel·e·s ont abordé ce mouvement social caractérisé par une mise en cause radicale des élites et de la division du travail de représentation politique et symbolique, le séminaire poursuivra à l'automne 2023 son exploration des rapports des intellectuel-les au mouvement des Gilets jaunes. En réfléchissant à ce qu’est l’activité ordinaire des intellectuels, et en s’appuyant sur les acquis des travaux de sciences sociales à la fois sur les intellectuels et sur les gilets jaunes, il s’agira de reconstituer par l’analyse l’espace dynamique des prises de position et des formes d’engagement, ainsi que les principaux enjeux et controverses qui ont jalonné les interventions publiques des intellectuel·e·s. Ce sera l’occasion de revenir sur les logiques du pétitionnement, les « nouveaux » formats de l’expression (blogs…), et sur les diverses figures de l’intellectuel·e qui se dessinent (spécifique, médiatique, expert·e, hétéronome). De même examinerons-nous en chemin plusieurs enjeux théoriques qui s’avèrent cruciaux sur un tel objet : existe-t-il un champ intellectuel, quels remaniements connaissent les rapports du savant et du politique, quels rapports les intellectuel·e·s entretiennent-ils et elles aux classes populaires, qu’est-ce qu’être un·e « intellectuel·le jaune », comment prendre position sans prétendre représenter un mouvement qui refuse de l’être ?
