Ce travail de recherche aborde la représentation du discours intérieur en littérature à travers une analyse énonciative et grammaticale de l’œuvre de Hermann Broch Der Tod des Vergil. Le discours intérieur, qui constitue au quotidien la plus grande part de nos verbalisations, a longtemps été négligé en linguistique malgré son importance fondamentale dans la constitution du langage. Objet d’étude de philosophie du langage, de psychanalyse, de médecine, etc., le XIXe siècle érige « l’endophasie », comme objet scientifique. Cette thèse montre pourtant que cet invisible du langage, qui a pour obstacle principal de ne pas offrir de corpus immédiat, pose des défis méthodologiques et heuristiques, et nécessite de la part du chercheur une approche pluridisciplinaire et subjective qui remet l’humain au cœur de son analyse. Face à l’impossible accès au corpus du discours intérieur, seule une étude de ses représentations est possible. Le propre de la littérature est précisément la capacité à pouvoir représentation les pensées d’autrui, et en ce sens, la représentation littéraire du discours intérieur agit comme un laboratoire de techniques littéraires et esthétiques. Ce travail montre ainsi comment la représentation du discours intérieur littéraire s’apparente à une modélisation d’une conception méta-endophasique du discours intérieur. Ce travail permet, par une analyse énonciative et grammaticale de Der Tod des Vergil, de dégager les phénomènes morphosyntaxiques, syntaxiques et rythmiques qui participent à la construction de la représentation du discours intérieur littéraire. La question de la grammaire semble a priori incompatible avec le discours intérieur, puisqu’il est par définition un objet d’étude qui échappe à la communication et qui pourrait donc aussi se passer des normes formelles sociales grammaticales qui le régissent. L’unité de mot ou de phrase est-elle encore pertinente dans le discours intérieur ? Cette thèse met en évidence la manière dont Hermann Broch pousse dans ses retranchements la langue allemande, en effectuant un grand écart entre, d’une part, le projet de mimésis d’une pensée en formation et, d’autre part, la nécessité de rester intelligible pour son lecteur. A partir d’un travail sur la répétition, la création lexicale, la période syntaxique, et la recherche de patrons syntaxiques, nous explorons l’hypothèse que la cohésion textuelle de l’œuvre est assurée par des processus sonores et rythmiques qui dépassent les unités lexicales et phrastiques et qui mettent au jour la matérialité sonore et corporelle d’un discours intérieur qui résonne en raisonnant en soi.
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