La thèse commence par un parcours méthodologique. En repartant des travaux d’Alain Viala sur la galanterie française, il s’agit de faire le constat préalable d’une victoire manifeste de la pudeur au tournant des XVIe et XVIIe siècles. L’hypothèse est que le renouveau des corpus anatomiques à la Renaissance s’accompagne de nouvelles représentations-injonctions genrées dans l’espace public en plein essor. Alors que les guerres de Religion ont ébranlé la mainmise de l’Église sur la société, de nouvelles institutions métalittéraires se mettent en place autour de l’État pour assurer la stabilité du pouvoir. Ces institutions organisent leur ascendant lors de querelles littéraires qui engagent avec elles des modifications des contenus genrés. La thèse entend ainsi utiliser l’apport des études de genre pour mener une analyse systématique de ces querelles, qui rendent publiques les nouvelles normes comportementales liées au genre, au sexe et à la sexualité. Les outils méthodologiques employés combinent l’approche de Judith Butler quant à la performance de genre, les outils d’analyse de l’espace public mis au point par Alain Viala et Christian Jouhaud et l’héritage foucaldien de la biopolitique. Le parcours méthodologique s’achève par un état de l’art dans lequel est surtout affirmée la volonté de prolonger les travaux d’Elsa Dorlin et Dominique Brancher, avant de rejeter la méthode de Thomas Laqueur.
Après le parcours méthodologique, commence la première partie de la thèse : « Pour un réexamen des publication liées au corps ». Elle est constituée de trois chapitres. Dans le premier chapitre, « L’essor des publications gynécologiques à l’aube du XVIIe siècle », il s’agit de montrer comment l’institution de la féminité a été élaborée à partir de traités médicaux antiques (Hippocrate, Aristote, Galien, etc.) et révisée par les anatomistes du XVIe siècle (Vésale, Colombo, Fallope, Paré, etc.). Ce premier chapitre constitue le socle théorique préalable à partir duquel il est par la suite possible d’observer l’évolution des contenus associés à la catégorie de genre féminine. Dans le deuxième chapitre, « Le personnel gynécologique et la nouvelle cour des Bourbons », la méthode sociopoétique est appliquée aux traités médicaux du personnel soignant qui entoure directement les grandes dames du royaume au moment de la prise de pouvoir d’Henri IV (Jean Liébault, Du Laurens, les Guillemeau, Louise Bourgeois). Le troisième chapitre, « Un autre trouble dans les catégories de genre au XVIIe siècle », réenvisage le procès de l’hermaphrodite de Rouen, déjà étudié par Foucault, dans la perspective de
l’histoire des querelles, en la reliant à la sociabilité médicale identifiée dans les chapitres précédents.
La deuxième partie de la thèse, « Biais libertins dans la galanterie française », explique comment cette « querelle des hermaphrodites » se prolonge dans l’espace public, au moment où l’État désigne des responsables aux troubles du royaume. Le premier chapitre, « L’obscénisation des sexualités alternatives », montre comment, dans l’objectif d’imposer l’ordre et d’éviter une nouvelle guerre civile, la monarchie met en place l’accusation « d’atteinte à l’honnêteté publique ». Ce faisant, elle définit de manière sous-jacente une biopolitique restreignant les usages « normaux » des corps, des sexes et des comportements genrés. Les « hermaphrodites », « sorcières » et « libertins » sont les premiers à être obscénisés par la nouvelle politique institutionnelle répressive, qui atteint son paroxysme au moment du procès du Parnasse satyrique. Le deuxième chapitre « Fiction libertine, intrusion des sexualités dans la sphère publique » est constitué d’explications de textes issus du corpus libertin. Elle montre comment la publication de récits subversifs, même fictifs, met en danger l’État monarchique patriarcal. C’est également l’occasion de révéler comment le genre pastoral précieux reprend en fait des topiques libertines, qu’il généralise dans le domaine étendu de la séduction galante. Le troisième chapitre « Repenser la galanterie des origines », repart de la querelle des Alphabets de 1617 pour montrer les liens qui unissent la littérature médicale, libertine et mondaine autour de la question du rôle social des femmes dans l’espace public. Enfin, le quatrième chapitre, « Essentialiser la civilité féminine », établit la convergence des enjeux de la nouvelle civilité avec ceux de la dévotion hypocrite et du libertinage après le procès de Théophile de Viau.
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