Justine DORIVAL soutiendra sa thèse de doctorat en chimie, réalisée sous la direction de David LOFFREDA, le 10 mars 2025 à 14h30.
Résumé de la thèse
Dans le domaine de l’énergie et de l’environnement, il est devenu primordial de changer de sources d’énergie et d’accélérer une transition énergétique qui peine à progresser dans de nombreux secteurs industriels. La chaîne de production énergétique doit être repensée en étant la plus respectueuse possible de l’environnement. Le but est d’éliminer le carbone, point faible de notre économie actuelle. Parmi les solutions prometteuses, l'hydrogène apparaît comme un élément central dans la décarbonation. Il offre une alternative propre aux combustibles fossiles, en particulier pour l’industrie lourde et le secteur des transports. L’ammoniac représente une excellente option en tant que vecteur d’hydrogène, bien que ce stockage à coûts minimisés demeure un véritable défi. Son utilisation requiert une excellente connaissance des propriétés des matériaux, capables de promouvoir ces réactions catalytiques, dans des conditions de température de fonctionnement abaissée. Dans ce contexte, la thèse se propose d’étudier la synthèse, les performances et la caractérisation de matériaux mixtes à base de ruthénium, métal noble, et d’amidure de lithium, ayant des propriétés catalytiques intéressantes pour décomposer l’ammoniac et libérer l’hydrogène stocké.
Au niveau expérimental, la comparaison des performances catalytiques entre les divers systèmes sélectionnés (ruthénium seul, amidure de lithium seul et les deux matériaux en contact) a montré que l’amidure de lithium a un effet promoteur sur la cinétique de la décomposition de l’ammoniac dans le cas du matériau mixte.
Afin d’interpréter ce résultat, des modèles théoriques inédits ont été développés. Le premier objectif du travail théorique était d’étudier les interfaces catalytiques solide-solide entre les matériaux considérés dans le travail expérimental (ruthénium en contact avec amidure de lithium), d’un point de vue thermodynamique. Des calculs de type théorie de la fonctionnelle de la densité en condition périodique ont ainsi été menés pour modéliser ces interfaces complexes, qui étaient principalement non stœchiométriques, polaires et magnétiques. Compte tenu de la complexité des systèmes il a été nécessaires d’utiliser différentes fonctionnelles d’échange et de corrélation électronique, avec prise en compte des interactions faibles de type van der Waals.
L’étude théorique a montré que le contact entre le ruthénium et l’amidure de lithium est préférentiel lorsque ce sont les plans aminyles de l’amidure qui sont adsorbés sur la surface du ruthénium. Une analyse électronique détaillée de type Bader a montré qu’il existe un transfert de charges du métal vers l’amidure de lithium.
Le second objectif du volet théorique concernait l’étude mécanistique et cinétique de la décomposition de l’ammoniac aux interfaces catalytiques entre le ruthénium et l’amidure de lithium. Pour cela des modèles plus sophistiqués entre l’amidure de lithium (hydrogénation totale), l’imidure de lithium (déshydrogénation partielle), le nitrure de lithium (déshydrogénation totale) et le ruthénium ont dû être développés. Les calculs ont montré que ces interfaces multiples sont plutôt favorables par comparaison aux interfaces précédentes.
La recherche de chemins réactionnels de recombinaison des atomes d’azote adsorbés en surface du ruthénium pour former la molécule de diazote a montré que le lithium du matériau nitrure n’est pas spectateur au cours de la réaction. Il joue un rôle promoteur en accompagnant le mouvement des atomes d’azote dans l’acte élémentaire du mécanisme, aboutissant ainsi à un abaissement de la barrière d’énergie d’activation. Ce résultat totalement original reproduit de manière remarquable la tendance observée dans les mesures expérimentales.
Ce travail expérimental et théorique a ainsi permis de progresser sur la compréhension du fonctionnement de ces catalyseurs au niveau fondamental. Il ouvre des perspectives prometteuses quant à l’utilisation future de l’ammoniac comme vecteur d’hydrogène.
Ammonia as a hydrogen carrier: optimization study of its catalytic decomposition promoted by ruthenium and lithium amide according to a joint experimental and theoretical approach
In the field of energy and environment, it has become essential to change energy sources and fasten an energy transition which fails to progress in many industrial sectors. The energy production must be redesigned to be as environmentally friendly as possible. The goal is to eliminate carbon, the weak point of our current economy. Among the promising solutions, hydrogen appears to be a central element in decarbonization. It offers a clean alternative to fossil fuels, particularly for heavy industry and transport sector. Ammonia represents an excellent option as a hydrogen carrier, although its storage at minimized costs remains a real challenge. Its use requires excellent knowledge of the properties of materials, able of promoting these catalytic reactions, under conditions of low operating temperature. In this context, the PhD thesis aims to study the synthesis, performance and characterization of mixed materials containing ruthenium, a noble metal, and lithium amide, with interesting catalytic properties for decomposing ammonia and releasing stored hydrogen.
At the experimental level, the comparison of the catalytic performances between the various selected systems (ruthenium alone, lithium amide alone and the two materials in contact) showed that lithium amide has a promoting effect on the kinetics of ammonia decomposition in the case of the mixed material.
In order to interpret this result, new theoretical models were developed. The first objective of the theoretical work was to study the solid-solid catalytic interfaces between the materials considered in the experimental work (ruthenium in contact with lithium amide), from a thermodynamic point of view. Density functional theory calculations in periodic boundary conditions were thus carried out to model these complex interfaces, which were mainly non-stoichiometric, polar and magnetic. Given the complexity of the systems, it was necessary to use different electronic exchange and correlation functionals, taking into account weak van der Waals interactions.
The theoretical study showed that the contact between ruthenium and lithium amide is preferential when the aminyl planes of the amide are adsorbed on the ruthenium surface. A detailed Bader analysis showed that there is a charge transfer from the metal to the lithium amide.
The second objective of the theoretical part concerned the mechanistic and kinetic study of the decomposition of ammonia at the catalytic interfaces between ruthenium and lithium amide. For this, more sophisticated models between lithium amide (total hydrogenation), lithium imide (partial dehydrogenation), lithium nitride (total dehydrogenation) and ruthenium had to be developed. Calculations showed that these multiple interfaces are rather favorable compared to previous interfaces.
The search for reaction pathways for the recombination of nitrogen atoms adsorbed on the ruthenium surface to form the dinitrogen molecule showed that the lithium in the nitride material is not spectator during the reaction. It plays a promoting role by accompanying the movement of nitrogen atoms in the elementary act of the mechanism, thus leading to a lowering of the activation energy barrier. This totally original result remarkably reproduces the trend observed in experimental measurements.
This experimental and theoretical work has thus made it possible to progress in understanding the functioning of these catalysts at the fundamental level. It opens promising perspectives for the future use of ammonia as a hydrogen carrier.
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