Productrices de normes, les élites sont souvent les premières à les transgresser dès que leurs propres intérêts sont en jeu. Or, dans le cas de certaines figures de pouvoir, ce refus délibéré de se soumettre à un ordre qu’elles contribuent à reproduire provoque une forme de fascination qui, loin de leur porter préjudice, les propulse ou les maintient au pouvoir. Donald Trump, qui garde une certaine popularité – du moins aux Etats-Unis – malgré ses violations constantes des normes établies, quelles qu’elles soient, ou Poutine, parvenant à rester au pouvoir, malgré des pratiques politiques plus que douteuses – la dernière en date étant l’affaire Navalny – viennent spontanément à l’esprit lorsqu’on évoque la transgression des gouvernants. Des mécanismes de protection semblent permettre cette impunité des figures de pouvoir. Les émotions jouent un rôle aussi dans cette construction d'une autorité, notamment la fascination qu'exercent des figures politiques sur des partisans qui veulent le voir comme des alter ego se permettant ce qu’ils ne peuvent pourtant pas se permettre, eux.
Mais il n’en va pas toujours ainsi et ces figures de pouvoir tombent régulièrement, et de plus en plus à notre époque sous le coup de la sanction. Qu’on songe en France, aux affaires Cahuzac, Fillon, ou Benalla, ou aux États-Unis, à la démission de Scott Pruitt, chef de l'Agence américaine de protection de l'environnement, qui était au cœur de plusieurs scandales liés à son train de vie et à son utilisation des fonds publics ; l’ambivalence des réactions du public face à ces transgressions explique les réactions et récupérations diverses par les figures de pouvoir des différentes affaires dans lesquelles elles sont impliquées. Entre une fascination étrange pour la déviance et refus de l’injustice, il s’agit d’interroger non seulement ces pratiques mais surtout les réactions qu’elles suscitent à partir de l’éclairage antique, ainsi que leur légitimité. Dans l'Iliade, Achille passe toutes les bornes, mais c’en est presque normal, puisqu’il est le meilleur. Les Achéens reconnaissent à Achille le droit d’outrager le corps d’Hector, mais ne les a-t-il pas sauvés de la destruction semée par le fils de Priam ? Les élites contemporaines, souffrant d'un manque de légitimité, leurs transgressions en deviennent au contraire insupportables. Par ailleurs, l'hubris des Grecs participe à la construction d'un "excédent" qui n'est pas que négatif et peut contribuer à construire l'autorité - une autorité en déséquilibre, mais une autorité tout de même. Les cas d'un certain nombre de héros mythiques et du roi de Perse seront convoqués. Cette table ronde visera ainsi à saisir les transgressions des élites et les réactions qu’elles suscitent dans l’Antiquité à la fois comme objet historique au croisement de plusieurs disciplines et comme creuset de formulations théoriques ouvertes sur la société contemporaine.
Gratuit
Inscription sur Evento pour recevoir le lien vers la salle virtuelle.
- Laboratoire Junior TAntALE (colloquetantale [at] gmail.com)
- Halima Benchikh-Lehocine (halima.benchikh-lehocine [at] ens-lyon.fr)
- Marie Durnerin (marie.durnerin [at] ens-lyon.fr)
Disciplines