Ce séminaire propose de s’intéresser aux conditions d’entrée en littérature en se penchant à la fois sur les pratiques amateures et les seuils de professionnalisation. Dans le sillage du colloque organisé à l’ENS de Lyon en mars 2025, qui portait à la fois sur les lieux d’apprentissage et de reconnaissance du métier d’écrivain, les postures et récits de soi, et les formes, genres et supports privilégiés du devenir-écrivain (voir l’appel et le programme), il s’agit ici de se focaliser en particulier sur les pratiques amateures du livre.
Au fil des séances, on s’arrêtera sur la pratique de l’autoédition, papier et numérique, qui caractérise des formes aussi variées que les écritures ordinaires, le livre d’artiste, le samizdat ou le fanzine ; mais aussi sur les journaux personnels mis en belle forme de livre ou édités à compte d’auteur, ainsi que sur les livres « faits maison » que sont les scrapbooks, les livres de cuisine ou les livres d’art brut. Guidées par la « forme symbolique » du livre, ces pratiques peuvent être liées à un interdit politique, une volonté d’indépendance artistique ou une position d’outsider voire d’amateur, pour ainsi dire hors champ. Elles sont loin de garantir l’entrée en littérature, fût-ce comme un tremplin provisoire, et n'y aspirent du reste pas toujours. Il s’agit dès lors de se demander si le livre fait encore l’écrivain, et si sa publication multiple ou son existence unique matérialise encore un seuil de reconnaissance publique, dans le cadre d’une édition « non sélective » ou « sans éditeur » et d'une diffusion qui reste parfois privée.
On adoptera une approche matérielle pour aborder ces objets, qui peuvent être faits de bric et de broc comme être illustrés et fabriqués dans les matériaux les plus nobles, avec tous les signes extérieurs du professionnalisme ; on s’intéressera aussi aux modalités spécifiques de circulation de ces « self-made books », appartenant à une « littérature sauvage » hors commerce, en dehors des réseaux ordinaires de production et de diffusion, qui sont dans une large mesure destinés à soi-même, à ses amis ou ses proches, et donc distribués de la main à la main, impliquant une microsociologie des cercles sociaux pour en mesurer le périmètre.
