Le cours prend pour point de départ les réflexions de Cassirer sur l’histoire. Dans son Essai sur l’homme (1944), le philosophe de la culture érige celle-ci au rang de « forme symbolique », au même titre que la science, le langage ou l’art. Cela signifie que l’histoire est un prisme par lequel nous nous rapportons au monde et le construisons. C’est une thèse majeure qu’il faudra discuter. Cette réflexion se double d’une seconde, épistémologique, sur cette science humaine qu’est l’histoire. Il y va des méthodes de l’histoire, du rapport entre les faits et l’interprétation, de l’élaboration de catégories spécifiques aux « sciences de l’esprit » (Geisteswissenschaften), du problème de l’objectivité et également de la personnalité et du style de l’historien. À partir du cas singulier de l’histoire, c’est une réflexion sur l’objectivité des sciences humaines ou historiques qui est menée. S’y ajoute pour Cassirer un enjeu moral et politique évident, puisque, pour reprendre le titre d’un essai d’Erwin Panofsky écrit dans le même contexte de la Deuxième Guerre mondiale et de l’exil, « L’histoire de l’art est une discipline humaniste » (1940).
En plus de lire précisément les textes de Cassirer, on discutera les positions défendues par ceux qui, selon lui, sont les fondateurs de l’histoire au sens moderne. – Son histoire philosophique de l’histoire est proposée au 4e tome du Problème de la connaissance dans la philosophie et la science des temps modernes (1940). Il s’agit de philosophes, en particulier de Herder du côté allemand, et du positiviste Taine, du côté français. Il sera précieux de s’appesantir sur Herder, figure incontournable de la philosophie allemande du XVIIIe siècle, trop peu connue en France. Il s’agit bien sûr aussi d’historiens tels que Ranke et Mommsen dont la réception française n’est pas non plus à la hauteur des échos qu’ils ont rencontrés en Allemagne. Nietzsche s’émeut de l'incendie qui détruisit la bibliothèque de Mommsen et ses papiers ; le poète Heiner Müller lui dédie un poème en 1993. Les positions du linguiste W. von Humboldt auquel Cassirer reprend le concept d’energeai pour penser les formes symboliques, joueront également un rôle central. Bref, on ne se contentera pas d’analyser ce que le philosophe dit de l’histoire, mais on verra comment ces historiens ou linguistes, par ailleurs théoriciens, construisent l’histoire. Une dernière séquence sera consacrée à la critique de l’historicisme par Nietzsche. Après avoir considéré le point de vue de certains tenants de l’historicisme tels que Ranke, on pourra jeter un regard neuf sur sa fameuse diatribe en faveur de l’inactualité.
