Ancienne directrice de l’ENS de Fontenay-aux-Roses puis de Fontenay-Saint-Cloud, Madame Jacqueline Bonnamour est décédée le 25 janvier dernier dans sa quatre-vingt-dix-septième année. C’était une figure de l’ENS de Fontenay-Saint-Cloud à laquelle toute la communauté des ENS de Lyon, Fontenay et Saint-Cloud ainsi que celle des géographes rend hommage.
Ancienne élève de l’École, Madame Bonnamour a dirigé l’ENS de Fontenay-aux-Roses à partir de 1975 puis de Fontenay-Saint-Cloud jusqu’en 1990. Elle a contribué à instaurer la mixité du concours et de l’École.
Parmi les premières agrégées de géographie (1949), Jacqueline Bonnamour a pu préparer ce concours grâce au soutien de Georges Chabot, professeur à la Sorbonne et à l’École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses, qui a beaucoup fait pour dépasser les hiérarchies entretenues entre grandes écoles et entre carrières féminines et masculines.
Docteur en géographie en 1966, après un parcours en lycée, elle est professeur à l’Université de Rouen puis de Paris I, avant de prendre la direction de l’ENS de Fontenay (1975-1990) et de mener à bien sa fusion avec l’ENS de Saint-Cloud (la mixité étant effective en 1981).
Dans le domaine scientifique, elle s’est imposée comme spécialiste de géographie rurale, après un doctorat d’État consacré au Morvan. Les sous-titres de sa thèse indiquent sa conviction humaniste : « Tant vaut l’homme, tant vaut la terre » (et elle a mené des analyses pionnières sur le rôle des femmes dans l’agriculture...). Son innovation consiste à mener une recherche de géographie agricole, là où la tradition était celle d’études agraires, paysagères et rétrospectives, et à entamer des collaborations pluridisciplinaires avec pédologues, économistes, agronomes.
Elle innove aussi par la promotion d’une géographie rurale attachée aux mutations des campagnes, à la multifonctionnalité de l’espace rural, à la montée des préoccupations environnementales. Ces travaux lui valent un fort rayonnement au sein de la Commission de géographie rurale du Comité national de géographie, puis de l’Union géographique internationale (Typologie mondiale de l’agriculture, Typologie des espaces ruraux), animée notamment par des géographes d’Europe de l’Est.
Spécialiste, elle l’est au fond à contre-cœur, comme le suggère son titre, Du bonheur d’être géographe, car elle a la nostalgie d’une géographie sans épithète. Soucieuse de méthodologie et de rigueur notionnelle, elle est restée critique en revanche de la modélisation, qui mettrait en cause les valeurs de la géographie « classique » et réduirait indûment la complexité du réel.
Son autorité scientifique l’a conduite à l’Académie d’agriculture. Elle a toujours été soucieuse de la communication des savoirs, dirigeant la revue L’information géographique pour en faire un lien entre recherche et enseignement secondaire.
La résidence étudiante du site Descartes de l’ENS de Lyon porte le nom de résidence Bonnamour.
(notice biographique rédigée par Marie-Claire Robic et publiée dans le Dictionnaire des femmes créatrices)
Les éditions de l’ENS ont publié plusieurs ouvrages de Jacqueline Bonnamour :
- Géographies et campagnes. Mélanges offerts à Jacqueline Bonnamour, sous la direction de Violette Rey, Fontenay – Saint-Cloud, ENS Éditions, 1993
- Quelles recherches aujourd'hui pour les campagnes de demain ? Aménagement rural et recherche géographique (Feuillets. Economie politique moderne), sous la direction de Jacqueline Bonnamour et Béatrice Vélard, Fontenay – Saint-Cloud, ENS Éditions, 1996
- Du bonheur d'être géographe (Société, Espaces, Temps), Lyon, ENS Éditions, 2000
- Marcilly-Ogny. Regards sur un village, Lyon, ENS Éditions, 2005
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