Publication du Laboratoire de physique dans la revue Soft Matter 41. Communication du CNRS-ISU le 29 octobre 2020.
Le phénomène de fractoluminescence, c’est-à-dire l’émission de lumière lors de la rupture d’un matériau, est généralement peu connu du grand public. Il est pourtant assez facile de l’observer : il peut en effet suffire de peler (dérouler) rapidement un rouleau adhésif dans le noir (voir illustration). Cet intrigant phénomène peut être expliqué par l’extrême température – des milliers de degrés – que l’adhésif atteint très localement, à l’endroit où celui-ci se détache du rouleau. Une colle qui rompt brutalement pourrait ainsi être plus chaude que la surface de notre Soleil !
Bien plus qu’une anecdote amusante, ce processus permet de mieux comprendre la fragilité de la matière. Une menace potentielle pour tous les objets de notre quotidien (de l’écran de nos téléphones à l’arche de nos ponts) n’est-elle pas la croissance soudaine d’une fracture ? Ceci est également valable pour les roches sur lesquelles nous vivons, dans lesquelles les fractures peuvent notamment générer des tremblements de terre dévastateurs.
En étudiant la dynamique de pelage des rouleaux adhésifs, mais aussi la dynamique de rupture du verre acrylique (PMMA), une nouvelle étude montre que les fractures brutales peuvent être dues à des dégagements thermiques intenses. Elle prédit que plus une fissure est rapide, plus elle dégage de la chaleur. Réciproquement, plus une fissure est chaude, plus elle se propage rapidement. En effet, l’agitation moléculaire à la pointe de la rupture (dont l’intensité est liée à la température) peut permettre de rompre les liens atomiques maintenant la cohésion des solides. Ce phénomène peut alors s’emballer : une fracture peut soudain atteindre des milliers de degrés et ainsi se propager de façon catastrophique.
Dans le cadre de la friction dans une roche, un phénomène analogue permettrait d’expliquer la transition sur une faille d’un glissement très lent et asismique, à une rupture sismique dynamique, à de très grandes vitesses de glissement. L’élévation de température très élevée et très localisée pourrait être à l’origine du phénomène dit de « chauffage flash » et de la fusion locale des roches intensément chauffées, telle que la transformation en pseudotachylite, sur des couches très fines.
Source : How heat controls fracture: the thermodynamics of creeping and avalanching cracks. T. Vincent-Dospital, R. Toussaint, S. Santucci, L. Vanel, D. Bonamy, L. Hattali, A. Cochard, E.G. Flekkøy, & K.J. Måløy. Soft Matter 41.
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