Alerte Presse
Villeurbanne, le 25 septembre 2020.
Depuis quelques années, l’organisation mondiale de la santé alerte sur un problème d’ampleur internationale : l’antibiorésistance. Devant l’utilisation croissante d’antibiotiques, les agents pathogènes ont su détourner l’arme de l’ennemi à leur profit. Mais là n’est pas le seul facteur. Le transfert de patientes et patients entre services hospitaliers joue également un rôle important dans la diffusion de l’antibiorésistance dans les réseaux de soin. Pour mieux comprendre l’influence de ces différents facteurs, une équipe du CIRI a étudié les variations de l'incidence des infections causées par sept grandes espèces bactériennes - et leurs variants résistants aux antibiotiques - dans un réseau de 357 services hospitaliers. Les travaux sont publiés dans la revue eLife depuis mardi 27 octobre 2020.
Les hôpitaux, points chauds de l’antibiorésistance
Les hôpitaux concentrent les principales conditions favorables à l’émergence et à la diffusion des bactéries résistantes. Dans l’hôpital, ces bactéries profitent d’une forte pression de sélection par les antibiotiques, de la présence de patients fragiles et des nombreux transferts de patients qui facilitent la dissémination des pathogènes. Une meilleure compréhension de l’impact de ces différents facteurs permettrait d’optimiser l’utilisation d’antibiotiques et les stratégies de contrôle des infections en milieu hospitalier.
À cette fin, les scientifiques ont recouru à la théorie écologique des métapopulations. Une métapopulation est un groupe de sous-populations d’une même espèce géographiquement séparées mais malgré tout en interactions par dispersion. Introduite historiquement pour aborder le problème des parasites agricoles et leur persistance dans un ensemble de sites écologiques, cette théorie s’avère pertinente pour décrire le comportement des pathogènes dans le milieu hospitalier.
La théorie des métapopulations permet de considérer chaque service hospitalier comme un habitat pour différentes bactéries, relié aux autres services du réseau par les flux de patients entrants et sortants. Grâce à cette théorie, les chercheurs ont pu modéliser séparément, dans chaque service, la part des bactéries résistantes favorisée par l’utilisation d’antibiotiques et la part qui résultait de l’admission de patients colonisés venant d’autres services.
La théorie écologique des métapopulations appliquée au milieu hospitalier
Les scientifiques ont appliqué cette théorie à un vaste ensemble de données comprenant de multiples espèces bactériennes et des données détaillées sur l’utilisation d’antibiotiques.
L’analyse des données cumulées montre notamment que le volume de consommation d'antibiotiques au niveau des services avait une plus grande influence sur l'incidence des pathogènes les plus résistants. Parallèlement, les transferts de patients avaient le plus d'influence sur les bactéries endémiques des hôpitaux et celles résistantes aux carbapénèmes, des antibiotiques de dernier recours dont l’efficacité doit être préservée.
Ces travaux fournissent la preuve que l'utilisation d'antibiotiques et les transferts de patients influencent de manière mesurable l’antibiorésistance à l’hôpital, mais que leur impact, loin d’être homogène entre les espèces bactériennes, varie d’un pathogène à un autre. Sur la base des modèles de métapopulation, les scientifiques ont proposé un classement des principaux antibiotiques en fonction de leur impact estimé sur l’antibiorésistance à l’échelle de l’hôpital, qui pourra servir à orienter les stratégies d’épargne antibiotique.
Cette étude lyonnaise représente la première application de la théorie écologique des métapopulations à un vaste ensemble de données hospitalières. Elle ouvre ainsi la voie à une meilleure prévention de l’antibiorésistance chez les patients pris en charge.
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