Ce travail propose une lecture de l’oeuvre tardive de Herman Melville, afin de faire émerger une pensée de la sécularisation dans ses textes, tout en interrogeant la pertinence de la notion et des théories afférentes. Le corpus analysé comporte la dernière oeuvre en prose publiée de Melville, The Confidence-Man (1857), le recueil de poésie Battle-Pieces (1866) et, enfin, le long poème épique Clarel (1876). L'analyse s'appuie sur la théologie herméneutique de Rudolf Bultmann et son concept central de « démythologisation », conçue comme une réinterprétation sceptique des textes bibliques et de leur contexte de réception, afin de dégager leur fondement existentiel. Complétée par la philosophie politique de Hannah Arendt, l’analyse dialogue avec les approches contemporaines de la sécularisation et, enfin, avec le champ de la philosophie et de la théorie littéraire. Il s'agit de cerner les phénoménologies religieuses, existentielles et politiques exprimées dans les textes melvilliens, qui s’articulent autour d’un pluralisme religieux en crise et de changements épistémiques majeurs. The Confidence-Man explore la rhétorique théologique de la sphère publique états-unienne et ses enchevêtrements avec les structures du capitalisme de marché naissant. Battle-Pieces révèle la crise de l’eschatologie que représente la guerre de Sécession, et formule une critique de l’idée de religion civile. Dans Clarel, la généalogie des liens entre théologie et politique aboutit à la formulation d’une disjonction totale des deux plans, non sans mettre en oeuvre une forme d’amitié politique entre les protagonistes, fruit inattendu de leur quête spirituelle.
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