Ma thèse porte sur le colportage en Grande-Bretagne, des années 1860 aux années 1940.
Cette période est généralement associée à sa disparition du fait de l’urbanisation des sociétés européennes et de l’essor des petits magasins et de la vente par correspondance (Fontaine, 1993).
Ma recherche s’inscrit dans la continuité de travaux cherchant à relativiser ce déclin en puisant dans trois champs historiographiques. L’histoire commerciale a récemment montré que le colportage reste important pour les classes populaires cherchant à acheter à bon prix des produits de basse qualité. L’essor du tourisme et l’urbanisation de la Grande-Bretagne encouragent, en outre, la vente de rue. Le colportage participe donc de la modernité commerciale de la Grande-Bretagne contemporaine. L’histoire du travail, en parallèle, montre que la vente itinérante est parfois exercée de manière temporaire afin de pallier aux périodes de crise. Elle s’insère dans une économie d’expédients impliquant petits métiers, recours à la charité, ou au crime. C’est notamment le cas dans les périodes marquées par le chômage, comme lors de la crise des années 1930. Ce travail s’insère enfin dans le champ de l’histoire des migrations : le colportage est populaire chez les migrants saisonniers, comme les marchands d’oignons bretons ou de figurines italiens. Il est également une stratégie pour s’insérer sur le marché du travail britannique en vue d’une installation plus ou moins permanente : c’est le cas des populations juives de l’East End à la fin du XIXe siècle.
Après avoir fait le constat de l’importance du colportage comme petit métier et moyen de distribution, la thèse étudie la régulation et l’encadrement policier de ce dernier. Elle contribue ainsi à l’histoire de la construction de l’État, des politiques publiques et de l’émergence de l’Etat social. Les autorités britanniques tentent à la fois d’encourager et de contrôler les mutations de la vente itinérante. Elle est vue comme alternative à l’aide publique par les Libéraux de la fin du XIXe siècle, mais également perçue comme un danger potentiel, car elle est souvent comparée au vagabondage. Au niveau municipal, l’idée que le colportage doit être encouragé est controversée : les problèmes de compétition entre vendeurs, de travail des enfants, les soucis d’hygiène ou d’obstructions de la voie publique prennent parfois le dessus.
La peur du vagabondage disparaît après 1914. Cependant, la Grande-Bretagne opère un tournant protectionniste qui se traduit par des lois cherchant à décourager la venue de colporteurs étrangers et coloniaux. Les colporteurs «natifs», eux, sont de moins en moins perçus comme un danger potentiel, sauf lorsque leur nombre augmente soudainement, comme au début des années 1930. Si, au niveau local, l’encadrement des colporteurs se fait de plus en plus strict, les lois nationales des années 1870 et 1880 peinent cependant à encadrer une population qui profite de la diffusion de nouveaux moyens de transports, comme la bicyclette ou les véhicules à moteurs. La Seconde Guerre mondiale vient enfin refondre cet appareil législatif dans le cadre d’une économie contrôlée par l’État.
Cette thèse entend donc dégager les grandes lignes de l’évolution du colportage en milieu rural et urbain. Elle fait un panorama des différents groupes s’adonnant au colportage, et porte une attention particulière aux catégories de genre, à la racialisation et aux conditions socio-économiques des individus. Elle cherche ensuite à contribuer à l’histoire de l’État, de la police et des politiques publiques, en montrant comment les autorités tentent de mettre le colportage au diapason des évolutions sociales et économiques de la Grande-Bretagne.
Un panel de sources varié est mobilisé: sources administratives et policières, presse, recensement, mais aussi sources généalogiques, sources publiées et sources privées pour certains groupes disposant d’associations ou de syndicats.
Gratuit
Disciplines