Ce travail de recherche propose de réfléchir, à partir du cas des mobilisations arméniennes de rue en France, lors de la longue décennie protestataire des années 1970, sur la recomposition des appartenances des descendants de migrants, après l’expérience migratoire. En effet, la lutte des Arméniens pour faire connaître leur question, une question nationale non résolue et un crime de génocide non reconnu, ne se réduit pas à l’alternative lutte armée / lutte diplomatique, puisqu’ils ont aussi été les acteurs d’un mouvement protestataire de rue entre le début des années 1970 et le milieu des années 1980.
Á partir d’un corpus de sources orales, de la presse partisane et des archives publiques (sources diplomatiques et rapports de RG essentiellement), la présente étude croise l’histoire sociale des diasporas, à travers la question de ses connexions avec de multiples espaces, et la sociologie des mobilisations, notion qui permet d’articuler acteurs et pratiques, pour saisir la manière dont une diaspora croise et se réapproprie des référents et des pratiques protestataires endogènes et exogènes.
Questionnant les itinéraires et les rencontres de ces référents et de ces pratiques, la recherche vise à montrer qu’une diaspora ne peut être réduite à sa double appartenance et qu’elle est aussi porteuse d’une histoire monde, en raison de son inscription à une multitude d’échelles d’appartenances, ainsi emboîtées. Aussi les chronologies au sein desquelles son histoire s’insère sont multiples et la périodisation de ses mobilisations diffère légèrement de celle de la société d’accueil. D’autre part, ses mobilisations transnationales de rue, présentes partout en diaspora, lui ont permis de s’ancrer dans le territoire d’accueil, tout en perpétuant une appartenance arménienne, en évolution. Elles ont été un moyen pour elle de reconnecter les espaces et ont eu un effet performatif : elles ont contribué à faire advenir la question arménienne dans l’espace public, autant que la lutte diplomatique et la lutte armée.
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