La culture moderne tend à opposer sciences humaines et sciences naturelles, lettres et médecine. Tous ces domaines se rencontrent pourtant dans l’oeuvre d’Artaud, Benn, Céline et Döblin, de manière aussi productive que significative. L’expérience de la médecine de ces auteurs du début du XXe siècle, de France et d’Allemagne, nourrit des poétiques qui, au-delà de leurs singularités, s’offrent à une étude comparée. Celle-ci interroge les relations complexes et réciproques entre littérature et médecine, ainsi que leur devenir dans une Europe en proie à des basculements majeurs, dont la publication du Manifeste du futurisme en 1909 et l’exposition des « arts dégénérés » de 1937 seraient les bornes.
En raison de sa finalité pratique et de son emprise croissante sur presque tous les aspects de la vie, la médecine est la science la plus sensible à l’humain, à son fonctionnement et à ses accidents ; c’est pourquoi elle reste en profonde communication avec la littérature, qui lui montre sa puissance et ses limites, de même que la médecine remet en cause certaines prétentions de la littérature. Tel est l’un des nombreux nouages entre médecine et littérature, corps et corpus, que notre démonstration vise à mettre en évidence ; il en existe beaucoup d’autres, tantôt spécifiques à l’histoire scientifique, culturelle et esthétique de cette période, tantôt plus propres à l’écriture de chacun de nos auteurs, entre lesquels se tissent des correspondances inédites, et enfin à valeur plus générale sur la perception de l’existence, de l’éthique et de la lecture. En traversant toutes ces dimensions, notre corpus nous permet de comprendre les enjeux d’une intrication historique et transhistorique entre savoir, pouvoir et création.
Gratuit