La thèse porte sur les usages que font les professionnels du droit du procédé de correctionnalisation, qui consiste à faire juger des dossiers criminels au tribunal correctionnel sous la qualification de délit au moyen du silence passé sur des circonstances aggravantes prévues par le code pénal. En premier lieu, l’enquête rend compte des conditions historiques et socio-professionnelles conduisant les magistrats et les avocats à organiser une sélection des crimes articulée à des critères non-légaux. En l’occurrence, le légalisme est concurrencé par une logique de performance, attentive à la valeur symbolique des procès, aux résultats judiciaires escomptés et à l’efficience des réponses pénales. La recherche montre ensuite que la hiérarchisation de chaque dossier criminel, qui prend la forme d’un dosage entre la valeur des gestes, des accusés et des victimes, obéit à des principes de jugement socialement situés, plus précisément à un entremêlement de représentations culturelles, de jugements moraux et de critères consolidés et légitimés par la profession. La thèse restitue également les conditions dans lesquelles ces jugements peuvent varier d’un professionnel à l’autre, selon leurs propriétés sociales, puis être mis en concurrence avec des stratégies répressives ou des paramètres gestionnaires relativement indépendantes de la gravité perçue. En dernier lieu, cette thèse met au jour les conditions de félicité de l’attribution d’une qualification délictuelle dans un dossier criminel, en interrogeant la manière dont se déroulent les échanges entre les magistrats, les avocats et leurs clients. Le travail s’appuie principalement sur quatre types de matériaux : des entretiens semi-directifs avec des magistrats, des avocats et des victimes ; des observations de la permanence pénale du parquet, d’audiences correctionnelles, de procès à la cour criminelle départementale et à la cour d’assises ; un corpus de dossiers criminels archivés, complété par des chroniques judiciaires.
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