Ce cours repose sur la conviction d’une prééminence des dimensions sociales et politiques de l’argent sur ses fonctions économiques.
S’inscrivant dans la démarche du programme de la nouvelle sociologie économique et dans une perspective d’ethnographie économique, il s’agira d’aller en sociologues sur le terrain de l’économie, pour penser à nouveaux frais certains de ses objets classiques : les fonctions et usages de la monnaie, la rationalité, la confiance, la financiarisation de l’économie, la fixation des prix. Après avoir précisé la dynamique historique des relations entre les deux disciplines, nous rendrons comptes des points de dialogue entre elles, sur les questions monétaires.
Si l’étude des transferts d’argent (domestiques, mais pas seulement) est depuis ses débuts faite au prisme du genre, il conviendra ici résolument de maintenir le cap de cette perspective, qu’il s’agisse de penser la gestion des budgets domestiques, les modalités de transmission et d’accumulation du patrimoine, les arrangements financiers conjugaux, par exemple.
La problématique de l'argent servira de point d'entrée pour penser des objets aussi variés que la sociologie de la famille et du couple, de la stratification sociale, de la consommation, des classes populaires, par exemple.
C’est d’abord l’extension des usages de la monnaie qui sera au cœur de la réflexion, en particulier du point de vue de ses effets sur le lien social. La circulation de la monnaie, instrument par excellence des échanges marchands, intéressés, dans les cercles intimes (conjugaux, familiaux, amicaux) implique-t-elle une importation des logiques de calculs dans ces sphères ? Comment la dynamique des relations dans lesquels sont encastrées ces circulations monétaires façonne-t-elle ces échanges domestiques, intimes ?
Observer de près les échanges monétaires (ou non, d’ailleurs) implique de prendre pour objet les usages ordinaires de l’argent, les procédures routinisées de calcul, d’arbitrage, d’évaluation de la valeur. Ces pratiques, autant que leur genèse, seront au cœur de la réflexion : comment se construisent des dispositions à compter, à calculer, à anticiper, à épargner, à prendre des risques financiers, à donner ? Cette question sera posée aussi bien dans le temps long des évolutions socio-historiques (avènement de sociétés capitalistes), que des existences individuelles. Quels sont les acteurs de la socialisation économique ? Comment les hypothèses de comportement de l’économie néolibérale pénètrent-elles (ou non) les consciences individuelles ? Comment les normes de comportement économique des classes supérieures sont-elles transmises, appropriées (ou non) par les membres des classes populaires ? En particulier, nous nous intéresserons de près aux formes de moralisation économique des ménages (populaires en particulier) à l’égard de la consommation, de l’épargne, de l’endettement.
Si le volume de ressources et patrimoine économiques organisent profondément les conditions d’existence, dessinant un champ des possibles matériels, ils sont un marqueur central de la position dans l’espace social, bien que cette dernière soit souvent plus volontiers associée aux ressources culturelles détenues. Dans quelle mesure l’argent (sous ses différentes formes) dessine-t-il les frontières entre groupes sociaux ?
Il s’agira ici de penser la notion de capital économique : ses formes, son inégale distribution, les effets de son accumulation, sa convertibilité. Une ascension sociale par l’argent est-elle possible ? Peut-on – et à quelles conditions – convertir du capital économique ?
Le cours permettra de réfléchir aux évolutions monétaires et financières contemporaines : contraction du recours à la monnaie fiduciaire au profit des monnaies numériques, explosion des inégalités de patrimoine, financiarisation de l’économie, innovations bancaires (paiement par téléphone), etc.